Sa mère nie mon existence

Un de vos proches est homo, bi,trans ? Vous êtes homo, bi, trans, et les relations avec votre famille vous posent questions ? Cette section vous est dédiée.
Gina
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Re: Sa mère nie mon existence

Message par Gina »

Salut Queen of Leon :gentil:

Ca fait un moment que je tourne autour de ton topic, j'avais envie d'y répondre mais je ne trouvais pas le temps. Cette fois-ci, je le prends !

Comme je comprends ton désarroi... J'ai été, à quelques détails près, dans ta situation. Mon témoignage pourrait se résumer ainsi : tout est bien qui finit bien ! (Ca, c'est pour enlever tout suspens!)

Je reprends depuis le début :

Je rencontre ma copine au lycée, 1ère histoire pour chacune, le coup de foudre, l'amour-passion, comme ça peut l'être à cet âge pour un premier amour. Les parents de ma copine sont profs, de gauche, sa mère fait de la moto, son père va a des concerts de reggae. Tu vois le genre... Après à peine quelques semaines de relation, sa mère, "tombe par hasard" (hum hum) sur le portable de ma copine, lit mes SMS enflammés et découvre tout… On est en novembre 2005, par là. Je ne te refais pas tout le topo, mais en gros c’est crise de larmes, culpabilisation envers elle-même et envers ma copine ; c’est moi qui ait manigancé un coup monté pour la détourner du droit chemin ; c’est elle qui est encore trop jeune pour connaître la véritable nature de ses sentiments (à 16 ans, euuuh…). C’est la honte qui s’abat sur la famille, ne le dis à personne, ce n’est qu’une passade, tu vas changer. Je vais te faire changer. C’est la guerre. Ma copine, elle, elle n’a pas trop confiance en elle, elle n’assume d’ailleurs encore pas d’être en couple avec une fille, malgré tout l’amour qu’elle me porte. Elle essaie de combattre mais leurs armes ne sont pas égales, et pour finalement rassurer sa mère et avoir la paix, elle lui dit qu’elle « ne se voit de toute façon pas lesbienne à 30 ans » (à l’époque, elle le pensait sûrement) et qu’elle « ferait sa vie avec un garçon ». Sa mère ne la lâche pas, à la maison c’est infernal, ce jeu qui se joue entre mère et fille, tenant à l’écart le père et la sœur qui ignorent encore tout. Finalement, sa mère l’oblige à en parler à son père, qui le prend bien, puis, peut-être un peu lâchement dans la bataille choisit finalement le camp de la mère.

Ma copine abandonne vite la partie, choisit de rester avec moi malgré tout mais de dire à ses parents que tout est fini. Les choses s’apaisent, mais ma copine est malheureuse, choquée par les semaines qui viennent de s’écouler : l’homophobie de ses parents ne passe pas par les insultes, encore moins de la violence physique, mais une pression perpétuelle pour la faire revenir du bon côté. En outre, sa mère est méfiante malgré tout : elle rode de temps en temps autour du lycée pour voir si on se voit encore. Lorsqu’on se balade en ville, on emprunte des itinéraires différents avant de se retrouver à l’abri de tout regard. C’est pas facile. Alors un jour, l’envie d’aider cette maman à prendre conscience qu’elle est en train de détruire sa fille à petit feu prend le dessus. Je sais où et à quel moment sa mère se rend au marché. Tôt un matin, alors qu’elle nous croit toujours séparées, je vais lui causer deux mots…

Très poliment, je demande à lui parler, et, très poliment, elle accepte. J’essaie de trouver les mots pour lui faire prendre conscience qu’on n’a rien fait de mal, mais que c’est elle qui a fait souffrir sa fille, qu’elle aurait dû l’aider. Elle me répond que c’est compliqué quand même tout ça, et puis que ce n’est pas à elle d’aider sa fille à s’assumer, que ce n’est pas son rôle. Je lui réponds que si, c’est le rôle d’une mère d’aider son enfant à vivre sereinement. Elle me lance : « M. m’a dit que vous n’êtes plus ensemble… ». Je sens l’inquiétude du contraire poindre dans sa voix, je maintiens le mensonge en confirmant. Mais, ça me fendait le cœur qu’elle puisse le croire alors je le lui précise : « Vous savez, je ne veux aucun mal à M., je l’AIME ». On n’a plus rien à se dire, et c’est toute tremblante que je reprends mon chemin vers le lycée.

Quelques mois passent encore, on est à la fin de l’année scolaire. Pour moi, le lycée c’est fini. Pas pour ma copine. Les perspectives de se voir s’amenuisent considérablement : il n’y a finalement qu’en journée la semaine qu’on pouvait être ensemble. Et l’été approchant, ç’allait être encore plus compliqué. On déprime. Un soir, ma copine ne tient plus : elle craque, en larme elle va voir sa mère et lui dit qu’elle m’aime plus que tout, qu’elle ne peut pas faire sa vie sans moi, qu’il faut qu’elle l’accepte parce qu’elle n’en peut plus. Je crois que c’est à ce moment-là que la mère de ma copine va réaliser la souffrance dans laquelle est sa fille et qu’il va falloir se mettre au travail. Sérieusement. Et dans le mois qui suit, ma copine a l’autorisation de venir passer une semaine chez mes parents.

L’année qui suit, j’ai réussi à poursuivre pour un an mes études dans la même ville : j’ai mon petit studio estudiantin, elle vient tous les vendredis soir chez moi. Je croise peu ses parents, l’ambiance est froide mais toujours cordiale.
L’année d’après, nous débarquons à la « grande ville » pour nos études. On a chacune notre appart’ sur le papier, mais toujours fourrées ensemble (pas de jeux de mots). Je ne vois toujours presque pas ses parents, ils ne demandent pas de mes nouvelles, je n’existe toujours presque pas.

L’année suivante, ma copine a 20 ans, et un premier miracle se produit. 2 semaines avant, sa mère m’appelle : les parents de ma copine veulent l’inviter dans un très bon resto pour son anniversaire, et ils voudraient que je sois là. J’ai dû me pincer une bonne quinzaine de fois pour réaliser ! (Après, c’est la merde parce que j’étais en formation à 180km de là le fameux week-end, alors merci ma maman qui a bien compris l’enjeu et a fait 2x180km en 12h pour venir me chercher et me ramener à temps :copain: )

Les mois qui ont suivi, j’avais droit à un « Tu passeras le bonjour à Gina » quand mère et fille se parlaient au téléphone. J’ai été invitée à manger chez eux (mais pas à dormir), on a emménagé ensemble et le Noël suivant, j’ai même eu droit à un cadeau !
Petit à petit, les relations s’amélioraient, s’apaisaient, même si ce n’était toujours pas l’éclate totale.

Il y a ensuite eu 2 choses qui ont fait, à mon sens, définitivement basculer ses parents du côté de l’acceptation pleine et entière.
Nous sommes parties 6 mois à Montréal (la veille du départ de ma copine (qui partait un mois avant moi), j’ai eu le droit de dormir chez elle, avec elle. Ca faisait 6 ans qu’on était ensemble). Ces 6 mois loin de leur fille ont dû provoquer quelque chose en eux parce que même de loin, ils ont été très présents, et enfin j’existais totalement et légitimement comme la compagne de leur fille. Tout ça a été plus que confirmé à notre retour.
6 mois plus tard, je perdais brutalement mon frère. Et depuis (ça ne fait que quelques mois), ils sont très présents et attentionnés envers moi. Ils me réclament quand je ne suis pas venue les voir depuis un moment, on partage de vrais moments tous ensemble.

Ce sont mes beaux-parents, et je suis leur belle-fille.


Pour résumer, je n’ai pas vraiment de conseils, parce que chaque histoire est sans doute différente.
Il y a plusieurs stratégies qui se présentent à vous.
- Ta copine peut tout nier pour avoir la paix (comme l’a fait la mienne), MAIS ça n’apaisera pas sa blessure intérieure et ça déplace le problème. Mais elle aura la paix, mais ce n’est pas idéal. Pleins de « mais », donc.
- Vous laissez passer le temps, beaucoup de temps. Nous, ça a bien pris 7 ans. C’est long, et c’est pas garanti. Mais vous, ou juste ta copine, pouvaient prévoir de partir à l’étranger : c’est loin alors les parents s’inquiètent, mais vous êtes deux donc c’est rassurant malgré tout (malgré toi).
- Vous pouvez essayer de brusquer les choses pour qu’il y ait un déclencheur. Mais je suis assez septique parce que si je regarde notre histoire, les parents de ma copine ont dû faire leur propre chemin, qui n’a pas été celui de mes parents, qui n’a pas été celui des tiens, ni celui de ceux de ta copine, et etc. C’est à eux de faire, avec leurs angoisses, leurs préjugés, leurs peurs. Ta copine peut essayer de les accompagner en insistant et soulignant sur tous les aspects positifs de votre relation (« ce week-end on a fait [blabla] et c’était trop génial »), mais ce n’est probablement pas évident pour elle.

On pourrait continuer longtemps comme ça, mais ce que je veux vraiment te faire passer dans mon témoignage c’est que le temps peut parfois faire son œuvre et que tout n’est pas nécessairement perdu d’avance. Par contre, il ne faut pas que vous oubliez de prendre soin de vous : ce que ta copine vit est difficile à gérer (la mienne, même après 8 ans et même si maintenant les relations vont bien, elle n’a pas encore digéré). Et toi aussi, ce que tu vis n’est pas évident et il ne faut pas que tu t’oublies non plus. Prenez-soin de vous, et même si les parents ou l’entourage prennent parfois beaucoup de place dans la tête et dans la vie, votre histoire d’amour passe avant tout et vous portera !

Bon courage ! :gentil:
Queen of Leon
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Re: Sa mère nie mon existence

Message par Queen of Leon »

Gina, ton histoire m'a donné beaucoup d'espoir. Merci infiniment d'avoir pris le temps d'écrire tout ça.



Du nouveau, les amis : samedi soir prochain, rencontre officielle avec belle-maman. C'est notre remise des diplômes à ma copine et moi. Tout le monde sera là, les profs, les diplômés, les parents, le champagne, les discours. J'y serai avec mon père. Elle va être obligée de me croiser et de me dire bonsoir. Je flippe mais c'est pas grave, au moins cette fois elle ne pourra pas se défiler.
Sarablue
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Re: Sa mère nie mon existence

Message par Sarablue »

Queen of Leon a écrit :Gina, ton histoire m'a donné beaucoup d'espoir. Merci infiniment d'avoir pris le temps d'écrire tout ça.



Du nouveau, les amis : samedi soir prochain, rencontre officielle avec belle-maman. C'est notre remise des diplômes à ma copine et moi. Tout le monde sera là, les profs, les diplômés, les parents, le champagne, les discours. J'y serai avec mon père. Elle va être obligée de me croiser et de me dire bonsoir. Je flippe mais c'est pas grave, au moins cette fois elle ne pourra pas se défiler.
On va penser fort à toi alors!
Et on va croiser les doigts en espérant une évolution positive d'ici là pour que ça se passe bien!!
:gentil:
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Re: Sa mère nie mon existence

Message par »

grillée par bloue, mais tout pareil!

Tiens nous au jus! :^^:
Queen of Leon
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Re: Sa mère nie mon existence

Message par Queen of Leon »

Sarablue a écrit :On va penser fort à toi alors!
Et on va croiser les doigts en espérant une évolution positive d'ici là pour que ça se passe bien!!
:gentil:
Gé a écrit :grillée par bloue, mais tout pareil!

Tiens nous au jus! :^^:
Merci les filles !! Je vous raconterai tout ça :biz:
Queen of Leon
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Re: Sa mère nie mon existence

Message par Queen of Leon »

Bon j'étais en méga stress hier soir : vais-je manquer une marche devant tout le monde en allant chercher mon diplôme sur l'estrade en talons ? Ma robe va-t-elle se coincer dans mon collant ? Belle-maman va-t-elle me lancer un regard glacial ou refuser de me serrer la main ?

Et finalement, aucun de ces scénarios catastrophe ne s'est produit. La remise des diplômes se déroule, et puis tout le monde se retrouve autour du buffet. Je cherche ma copine, sa soeur et sa mère, je ne les trouve pas. Je parle avec pas mal de gens, et puis il est presque temps de partir. Je les cherche de nouveau, je n'ai pas stressé pendant une semaine pour rater cette rencontre ! Enfin je les aperçois, je ne réfléchis pas et traverse la foule. J'arrive avec un immense sourire, je fais une bise à la soeur, et ensuite PAF la bise à belle-maman sans qu'elle ni moi n'ait le temps de réfléchir. Je présente mon père et mon frère. Echange de politesses et de banalités, tout le monde a l'air détendu et souriant. Et puis il est temps de partir. Echange bref mais cordial. C'est tout ce que je demandais.

La suite au prochain épisode !
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Re: Sa mère nie mon existence

Message par »

mais euh..... elle savait que c'était Toi? ou elle a cru que t'étais une simple copine??? :blink:
Queen of Leon
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Re: Sa mère nie mon existence

Message par Queen of Leon »

Gé a écrit :mais euh..... elle savait que c'était Toi? ou elle a cru que t'étais une simple copine??? :blink:
Haha figure-toi que c'est ce que j'ai demandé à ma copine après coup... Mais non, elle avait bien compris qui j'étais !
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Re: Sa mère nie mon existence

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ah bah c'est cool alors!!! Voilà une bonne chose! Bon c'est pas totalement gagné mais c'est un pas en avant! :^^:

Vivement la suite! :content:
Queen of Leon
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Re: Sa mère nie mon existence

Message par Queen of Leon »

J'ai pas grand chose de nouveau à vous raconter, juste envie de vider mon sac. Trois mois après la rencontre avec la mère de ma copine, celle-ci persiste à répondre par un silence à chaque fois que ma copine me mentionne au téléphone. Une attitude qui empêche ma copine d'en parler ouvertement aux autres membres de la famille étendue (famille très soudée) et qui la pousse à mentir par omission. Donc ça stagne, ça stagne, ça la rend mal, ça me rend mal. A chaque fois que j'y pense, j'ai une pierre qui me tombe au creux du ventre.
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