L'homoparentalité de Pierre et John...
Publié : lun. juin 12, 2006 6:20 pm
Lu sur lemonde.fr
Pierre et John, "papa" et "daddy" de Paul et Maya
Ils ont chacun un bébé dans les bras et ils parlent sans élever la voix de peur de les réveiller. Installés sur un canapé, John et Pierre viennent de donner le biberon à Paul et Maya, leurs jumeaux de deux mois. "Il y a encore trois semaines, nous leur donnions seize biberons par jour, confie John, en souriant. Aujourd'hui, nous en sommes à douze. C'est déjà plus facile !" Sur la table, un carton illustré de photos précise que John et Pierre "ont le plaisir de faire part de la naissance de leur fille et de leur fils, Paul et Maya".
Les deux hommes, qui tiennent à garder l'anonymat, se sont rencontrés il y a seize ans dans une réunion de l'association des gays et lesbiennes de l'université de Harvard, où ils achevaient tous deux un master. John, qui est américain, est issu d'une famille chinoise qui n'a jamais accepté son homosexualité. Pierre, qui est français, était parti faire des études aux Etats-Unis accompagné de son fils, dont la mère est morte lorsqu'il avait un an. "Nous avons décidé de vivre ensemble, raconte Pierre. C'était déjà un avant-goût de l'homoparentalité puisque mon fils, qui avait 14 ans, vivait avec John et moi."
Depuis 1999, le couple vit en France. John travaille pour une organisation internationale, Pierre est cadre de la fonction publique. "J'avais un désir d'enfants depuis longtemps, raconte John. On a d'abord pensé à l'adoption mais beaucoup de pays comme la Thaïlande et le Cambodge refusent de confier des enfants à des couples homosexuels. En Chine, les célibataires peuvent adopter à condition de signer un papier affirmant leur hétérosexualité mais je ne voulais pas commencer cette histoire par un mensonge."
"SANS LEUR MENTIR"
En mai 2004, alors qu'il rend visite à ses parents en Californie, John consulte plusieurs agences de mères porteuses. Un an plus tard, à la suite d'une fécondation in vitro, une Américaine nommée Girlie, qui a déjà deux enfants, porte les bébés de John. "On lui téléphonait régulièrement de France pour avoir des nouvelles, raconte Pierre. On était soucieux de bâtir une relation avec elle : elle est venue passer dix jours avec son mari, à Paris, pour le réveillon."
Pierre et John partent en Californie et assistent à l'accouchement. "Dans cet Etat où l'homoparentalité est une situation banale, poursuit John, les médecins ont mis tout de suite Paul et Maya dans nos bras."
Aux Etats-Unis, Paul et Maya, qui sont de nationalité américaine, ont deux pères : les noms de John et Pierre figurent sur l'acte de naissance des jumeaux, qui portent les deux noms accolés. En France, seule la filiation de John est reconnue par la loi : Pierre n'a aucun statut. "Nous allons demander au tribunal une délégation d'autorité parentale pour consolider les liens de Pierre avec les enfants, raconte John. Si je venais à disparaître, les jumeaux pourraient lui être retirés du jour au lendemain."
De retour en France, Pierre a repris le travail tandis que John a cumulé vacances et congés sans solde pour s'occuper des bébés. "Officiellement, note John, j'avais droit à huit jours de congé de paternité. Pour s'occuper de deux nourrissons, c'est un peu juste..." Lorsqu'ils auront grandi, les jumeaux appelleront Pierre "papa" et John "daddy". "Nous leur raconterons leur histoire sans leur mentir, précise Pierre. Nous leur montrerons des photos de Girlie enceinte et un jour, ils la rencontreront."
Malgré la naissance des enfants, la famille de John continue à refuser son homosexualité : si son père, qui est pasteur dans une église protestante, a accepté de voir les jumeaux, c'est parce qu'ils ont été conçus, selon lui, "de manière scientifique, et non dans le péché". "Ils m'ont interdit de parler de mon homosexualité à des gens qui les connaissaient", raconte John. Paul et Maya n'ont pas été mieux accueillis par la mère de Pierre. "Elle ne veut pas entendre parler de mon homosexualité, explique-t-il. Nous sommes allés en Bretagne pour lui présenter les enfants, mais elle a refusé de les voir. Mon fils et ma belle-fille ont tenté d'intervenir, en vain."
Pierre et John, "papa" et "daddy" de Paul et Maya
Ils ont chacun un bébé dans les bras et ils parlent sans élever la voix de peur de les réveiller. Installés sur un canapé, John et Pierre viennent de donner le biberon à Paul et Maya, leurs jumeaux de deux mois. "Il y a encore trois semaines, nous leur donnions seize biberons par jour, confie John, en souriant. Aujourd'hui, nous en sommes à douze. C'est déjà plus facile !" Sur la table, un carton illustré de photos précise que John et Pierre "ont le plaisir de faire part de la naissance de leur fille et de leur fils, Paul et Maya".
Les deux hommes, qui tiennent à garder l'anonymat, se sont rencontrés il y a seize ans dans une réunion de l'association des gays et lesbiennes de l'université de Harvard, où ils achevaient tous deux un master. John, qui est américain, est issu d'une famille chinoise qui n'a jamais accepté son homosexualité. Pierre, qui est français, était parti faire des études aux Etats-Unis accompagné de son fils, dont la mère est morte lorsqu'il avait un an. "Nous avons décidé de vivre ensemble, raconte Pierre. C'était déjà un avant-goût de l'homoparentalité puisque mon fils, qui avait 14 ans, vivait avec John et moi."
Depuis 1999, le couple vit en France. John travaille pour une organisation internationale, Pierre est cadre de la fonction publique. "J'avais un désir d'enfants depuis longtemps, raconte John. On a d'abord pensé à l'adoption mais beaucoup de pays comme la Thaïlande et le Cambodge refusent de confier des enfants à des couples homosexuels. En Chine, les célibataires peuvent adopter à condition de signer un papier affirmant leur hétérosexualité mais je ne voulais pas commencer cette histoire par un mensonge."
"SANS LEUR MENTIR"
En mai 2004, alors qu'il rend visite à ses parents en Californie, John consulte plusieurs agences de mères porteuses. Un an plus tard, à la suite d'une fécondation in vitro, une Américaine nommée Girlie, qui a déjà deux enfants, porte les bébés de John. "On lui téléphonait régulièrement de France pour avoir des nouvelles, raconte Pierre. On était soucieux de bâtir une relation avec elle : elle est venue passer dix jours avec son mari, à Paris, pour le réveillon."
Pierre et John partent en Californie et assistent à l'accouchement. "Dans cet Etat où l'homoparentalité est une situation banale, poursuit John, les médecins ont mis tout de suite Paul et Maya dans nos bras."
Aux Etats-Unis, Paul et Maya, qui sont de nationalité américaine, ont deux pères : les noms de John et Pierre figurent sur l'acte de naissance des jumeaux, qui portent les deux noms accolés. En France, seule la filiation de John est reconnue par la loi : Pierre n'a aucun statut. "Nous allons demander au tribunal une délégation d'autorité parentale pour consolider les liens de Pierre avec les enfants, raconte John. Si je venais à disparaître, les jumeaux pourraient lui être retirés du jour au lendemain."
De retour en France, Pierre a repris le travail tandis que John a cumulé vacances et congés sans solde pour s'occuper des bébés. "Officiellement, note John, j'avais droit à huit jours de congé de paternité. Pour s'occuper de deux nourrissons, c'est un peu juste..." Lorsqu'ils auront grandi, les jumeaux appelleront Pierre "papa" et John "daddy". "Nous leur raconterons leur histoire sans leur mentir, précise Pierre. Nous leur montrerons des photos de Girlie enceinte et un jour, ils la rencontreront."
Malgré la naissance des enfants, la famille de John continue à refuser son homosexualité : si son père, qui est pasteur dans une église protestante, a accepté de voir les jumeaux, c'est parce qu'ils ont été conçus, selon lui, "de manière scientifique, et non dans le péché". "Ils m'ont interdit de parler de mon homosexualité à des gens qui les connaissaient", raconte John. Paul et Maya n'ont pas été mieux accueillis par la mère de Pierre. "Elle ne veut pas entendre parler de mon homosexualité, explique-t-il. Nous sommes allés en Bretagne pour lui présenter les enfants, mais elle a refusé de les voir. Mon fils et ma belle-fille ont tenté d'intervenir, en vain."