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Sexisme dans la communauté LGBT

Publié : mer. mai 22, 2019 7:02 am
par Minipoussin
"Ras-le-bol” du sexisme dans la communauté LGBT

Par
Pauline Thurier

Ce mardi 21 mai, huit femmes signent une lettre ouverte dans “Têtu” à destination de leurs “camarades militants gay” pour dénoncer le sexisme qui règne dans cette communauté. Un constat partagé par de nombreuses militantes.

Quand on lui parle de sexisme dans le milieu LGBT, Cybèle Vigneron, présidente du Caelif (Collectif des associations étudiantes LGBT) soupire et lâche : "par où commencer…". "Quand je suis devenue présidente il y a trois ans, j’ai entendu pas mal de mecs me dire que j’avais été élue pour respecter les quotas." Ce type de procès en illégitimité est un cas classique de sexisme. Étonnant ? Pas vraiment. Car, comme le constatent de nombreuses femmes que nous avons interrogées, le milieu LGBT n'est pas immunisé contre les inégalités femmes-hommes.

Huit femmes à des postes à responsabilité dans des associations LGBT ont publié ce mardi 21 mai une tribune sur le site de Têtu pour dénoncer "le sexisme et la misogynie ordinaires régnant dans le milieu LGBT". "Nous avons toutes assisté à ou vécu des scènes ahurissantes nous rappelant qu’au-delà d’être gays vous êtes des hommes avant tout", écrivent-elles pour faire part de leur "ras-le-bol". Elles reprochent à certains de leurs camarades gays de ne pas prendre en compte que les femmes lesbiennes vivent une "double discrimination", celle d’être à la fois femme et homo.



Catherine Tripon, porte-parole de L’Autre cercle (une association LGBT+ de professionnels), et Catherine Michaud, présidente de GayLib, ont eu l'idée d'écrire cette lettre ouverte lorsqu'elles se sont raconté deux anecdotes. D'un côté, deux lesbiennes qui ont été refusées d'une boîte de nuit parce que "trop féminines". De l'autre, des adhérents qui ont démissionné d'une association parce qu'ils ne voulaient pas être "dirigés par une femme", rapporte Catherine Tripon aux Inrocks. Choquées par ces actes sexistes, elles ont décidé de prendre la plume pour dénoncer le sexisme dans le milieu LGBT. Elles, et les six autres femmes présidentes, vice-présidentes et porte-paroles d’assos LGBT, ont choisi Têtu pour publier cette tribune "parce que c’est le magazine de référence LGBT et le lectorat est plutôt masculin", explique Catherine Tripon.

Des petites phrases qui font mal

Les remarques ou actes sexistes se retrouvent autant dans la sphère associative que dans le milieu de la nuit. Cybèle Vigneron du Caelif le constate souvent en réunion d’association : "Il n’y a quasiment que des hommes, c’est une ambiance très masculine. On voit un sexisme décomplexé. Quand on souligne l’absence des femmes, des lesbiennes, ils répondent 'vous n’avez qu’à faire vos propres soirées' ou bien 'on est bien sympa de parler pour vous'". "Ce ne sont souvent que des petites phrases, mais ça fait mal", ajoute-t-elle. Véronique Godet, la coprésidente de SOS Homophobie, elle, se souvient d’avoir été membre d’une association il y a quelques années à Marseille où elle était "complètement transparente pour un homme". "Il pouvait saluer tout le monde dans la pièce sauf moi. Ça s'apparentait carrément à de la lesbophobie", affirme-t-elle aujourd’hui aux Inrocks.


Cybèle Vigneron nous raconte que cette attitude qu’elle qualifie de "parfois hostile", elle la vit aussi lors de certaines soirées. "Des mecs vont nous passer devant dans la queue des toilettes en disant 'c’est déjà sympa de vous accueillir', relate-t-elle. On peut aussi nous dire 'c’est pas une soirée pour vous' alors que la fête se dit mixte." Fany Corral, co-commissaire du festival Loud & Proud, fait le même constat pour le clubbing. "Aujourd’hui quand on parle de soirée queer on se rend compte que c’est surtout des soirées gays. Il y a 70 % d’hommes pour 30 % de femmes, avance-t-elle. On reproduit exactement les mêmes schémas que dans les soirées hétéros." Rag, directrice artistique du collectif Barbi(e) turix, est du même avis que Fany Corral : "La communauté LGBT est à l’image de la société, donc les femmes sont toujours invisibilisées. On reste des femmes dans une société dominée par des hommes. Il en va de même pour les soirées queer, il y a toujours beaucoup plus d'hommes que de femmes."

Trop d’hommes pour parler de PMA

Quand on évoque la question du sexisme dans la communauté LGBT, un exemple revient dans toutes les bouches : celui de la PMA (procréation médicalement assistée). Aurore Foursy, présidente de l’Inter-LGBT, une interassociative regroupant 63 collectifs, et signataire de la tribune, se dit "scandalisée au plus haut point qu’on entende que des hommes au sujet de la PMA". "C’est une catastrophe à quel point on a dû gueuler pour que les assos arrêtent d’envoyer des hommes", fustige-t-elle auprès des Inrocks. Catherine Michaud partage son point de vue : "Je trouve dommage qu'on ne laisse pas la parole aux premières concernées. On parle de nos corps, nos grossesses !" La communication autour de la PMA a soulevé de nombreux débats au sein des collectifs LGBT, souvent appelés à témoigner dans les médias. Lennie Nicollet, président d’HES (Homosexualités et Socialisme), dit avoir rapidement intégré l’idée que la PMA devait être un sujet médiatisé par les femmes. "C’est le devoir des hommes de dire aux médias qu‘il y a d’autres assos ou d’autres personnes dans l’asso qui peuvent répondre même si elles ne sont pas présidente ou porte-parole", déclare-t-il aux Inrocks.


Les temps changent

Plusieurs personnes témoignent tout de même d’une évolution positive. "Les mentalités sont en train de changer, mais il faut que ça accélère", décrypte Aurore Foursy. Elle salue les associations qui ont adopté une coprésidence paritaire comme SOS Homophobie et le Centre LGBT Paris. Joël Deumier, coprésident de SOS Homophobie avec Véronique Godet, nous dit avoir une forte volonté de "visibiliser les femmes et les lesbiennes" au sein de l’association. En 2016, les statuts de SOS Homophobie ont été modifiés pour ajouter que l’association prévoit également de contribuer à "la lutte féministe", indique-t-il. De son côté, l’association HES a "la volonté de cosigner tous les communiqués pour éviter qu’il n’y ait que le nom d’un homme en bas et que les médias aient le choix pour savoir à qui parler", nous explique Lennie Nicollet.

Pour Rag, c’est "une question de génération". "Aujourd’hui on est dans un climat d’entraide où les gays sont nos alliés, assure la DJ. L’envie d’inclusion est plus forte qu’il y a quelques années." Mais si cette tribune est publiée aujourd’hui, c’est bien parce que le problème reste encore beaucoup trop présent.

Source :
https://www.lesinrocks.com/2019/05/21/a ... aute-lgbt/

Re: Sexisme dans la communauté LGBT

Publié : mer. mai 22, 2019 2:57 pm
par Dalia
Merci pour cet article, Minipoussin !

Je pense qu'on va être nombreuses à avoir une petite "anecdote" sexiste à rajouter à la liste de ces différentes manifestations !

Pour ma part, j'ai entendu dire en réunion d'association LGBT où il y avait une vingtaine de participants, que "les pires divorces sont les divorces de lesbiennes". L'idée, si on va bien la chercher derrière, devait être la suivante : comme les règles de la filiation ne prennent pas en compte les deux éventuelles mamans, les lesbiennes se déchirent lors des divorces, à propos des enfants.

Mais résumer cela par "les lesbiennes sont les pires niveau divorce", c'est oublier le nombre ahurissant de femmes victimes de leurs conjoints hommes en cours, précisément, de procédure de divorce. J'ai pris la parole pour protester : l'orateur n'avait pas l'air de connaître la notion de féminicide, ni de savoir qui était majoritairement auteur de la violence dans les couples. Non, nous ne sommes pas "les pires" (et c'est un gay qui disait ça), même si la violence existe aussi dans les couples de femmes, et que c'est sans doute plus difficile de s'en sortir pour des raisons d'invisibilité et de manque de modèles.

Re: Sexisme dans la communauté LGBT

Publié : jeu. mai 23, 2019 8:40 am
par Queen of Leon
Merci pour le partage minipoussin.

Re: Sexisme dans la communauté LGBT

Publié : jeu. mai 23, 2019 1:14 pm
par Minipoussin
Je ne navigue pas dans le milieu associatif LGBT mais ce n'est pas la première fois que j'entends parler des problèmes de sexisme dans ces mouvements.

D'un autre côté, je connais par contre assez bien le milieu associatif en général et je dirais que certains comportements y sont encore plus exacerbés que dans le milieu professionnel, justement parce que dans le milieu professionnel la justification de sa présence est simple : être payé ( même si métier passion, on est payé, même si on est mal payé, il y a quand même un salaire ).
Dans le milieu associatif, il y a une justification officielle ( faire le bien/ se battre pour la justice / faire changer les choses ) mais l'officieuse n'est que rarement assumée ( avoir une vie avec plus de sens, se sociabiliser, se sentir valorisé, se faire de l'expérience etc.).
Bref, quand certaines personnes obtiennent du pouvoir ou de la reconnaissance, une représentation qu'ils n'ont pas forcément ailleurs ...ça devient encore plus compliqué de laisser la place aux autres, ou de s'entendre dire qu'on est pas le plus légitime pour parler, ou simplement entendre qu'on fait peut être mal les choses ou qu'on blesse les autres.

Parce qu'officiellement, on est là pour de "bonnes" raisons et officiellement, parce qu'on est là on est forcément une bonne personne qui fait de bonnes choses. Pour beaucoup de bas du plafond, il n'y a pas de place pour le doute ou la remise en cause. Et ça coince souvent.

Re: Sexisme dans la communauté LGBT

Publié : jeu. mai 23, 2019 3:52 pm
par juggwa
C'est d'autant plus dommage qu'ils sont sensés être des espaces de tolérance, d'empathie et d'écoute...

Re: Sexisme dans la communauté LGBT

Publié : jeu. mai 23, 2019 6:11 pm
par Minipoussin
C'est aussi le cas, mais là où il y a de l'humain , ça n'est jamais aussi facile.

Re: Sexisme dans la communauté LGBT

Publié : ven. mai 31, 2019 6:42 pm
par Strelok_401
Merci pour cet article, ça fait vraiment plaisir que quelqu'un en parle! Surtout que les seules fois que j'en ai entendu parler ailleurs qu'ici, c'était dans des milieux homophobes qui utilisaient ça pour discréditer les revendications des mouvements LGBT... Et le pire, c'est que l'intolérance et le mépris existent partout : il y a les mecs gays qui ne veulent pas "être dirigées par une femme", des lesbiennes qui détestent les mecs hétéros comme bi ou gay, des gays et lesbiennes qui fustigent les transsexuel-le-s car ils ne "sont pas vraiment gays/lesbiennes et veulent juste devenir un mec/une fille", des trans qui regardent les gays/lesbiennes de travers... Aucun milieu, aucune communauté n'est malheureusement dépourvu de cons :( et encore, je n'aborde pas le sujet du racisme, parce que là...