La Californie (ne) légalise (plus) les mariages gay

Toute l'actualité : une revue de presse de Têtu à La Tribune !
Blinded
Messages : 8127
Inscription : mar. juin 19, 2007 2:02 pm

Re: La Californie (ne) légalise (plus) les mariages gay

Message par Blinded »

Je mets en lien l'article Tétu repris par rue 89 sur l'évènement
Darkel
Messages : 342
Inscription : jeu. août 27, 2009 9:10 pm
Genre : icone de genre garcon

Re: La Californie (ne) légalise (plus) les mariages gay

Message par Darkel »

Egalement celui-ci : http://www.tetu.com/actualites/internat ... ppel-17659

Les opposants ont fait appel, sans surprise. L'article explique le déroulement des procédures à venir...
ExMembreW

Re: La Californie (ne) légalise (plus) les mariages gay

Message par ExMembreW »

Côté politiques, Arnold Schwarzenegger a dégainé le premier. Le gouverneur de Californie s'est félicité de la décision en soulignant « une première étape décisive pour les Etats-Unis […] sur la route de l'égalité et de la liberté pour tous ».
Ce guignol n'était pas contre l'union des couples du même sexe lors de la Prop8? :|
Manchette
Messages : 2237
Inscription : ven. oct. 03, 2008 8:08 pm

Re: La Californie (ne) légalise (plus) les mariages gay

Message par Manchette »

Peut-être est-il contre le mariage gay, mais aussi contre l'interdiction du mariage gay dans la Constitution.
Zünisch
Messages : 6903
Inscription : mer. mai 30, 2007 7:15 pm

Re: La Californie (ne) légalise (plus) les mariages gay

Message par Zünisch »

Manchette a écrit :C'est en tout cas une chouette nouvelle, et un grand merci à tous ceux qui se sont mobilisés contre la proposition 8 : Sean Penn, Samuel Jackson, Brad Pitt, Spielberg, Slash, Pete Wentz...
Surtout un grand merci aux deux avocats Ted Olson et David Boies, qui, si j'ai bien compris, ont fait un sacré boulot pour démonter les propos de la défense. 8)

Par contre, même avec l'appel de la partie adverse, j'ai cru comprendre qu'il pourrait de nouveau y avoir des mariages gay. Il faut que le juge rejette la demande de prolongation du sursis à l'exécution du jugement. Mais comme le ministre de la Justice et l'administration californienne soutienne le rejet du sursis, ça pourrait passer.
L’Administration estime qu’il est dans l’intérêt du public que le jugement du tribunal prenne effet, donnant donc à nouveau le droit aux couples de même sexe de se marier en Californie. À l’inverse, l’Administration soutirent que surseoir à l’exécution du jugement du tribunal en attendant l’appel n’est pas nécessaire pour protéger un quelconque intérêt gouvernemental ou public.


Ceci dit, je dois reconnaitre que j'ai du mal à comprendre le fonctionnement de l'administration juridique aux USA. :gn:
Miss Hada
Messages : 3732
Inscription : dim. janv. 29, 2006 2:45 am

Re: La Californie (ne) légalise (plus) les mariages gay

Message par Miss Hada »

A priori, le droit au mariage des homos est rétabli le temps que l'Appel soit terminé...

Les gens sont dans les starting block et ont même remplis d'avance les formulaires pour profiter de la fenêtre de tir ou être les premiers à se marier si l'Appel aboutis dans le sens de l'autorisation définitive...
Manchette
Messages : 2237
Inscription : ven. oct. 03, 2008 8:08 pm

Re: La Californie (ne) légalise (plus) les mariages gay

Message par Manchette »

Apparemment, la coalition des bigots homophobes (Eglises catholique, mormone et protestantes fondamentalistes) n'ont pas le pouvoir de faire appel : ils n'ont aucune légitimité pour se faire.
Ca promet d'être un sacré paquet de noeuds entre justices de Californie et fédérale.
Luka
Messages : 738
Inscription : lun. avr. 14, 2008 9:10 pm

Re: La Californie (ne) légalise (plus) les mariages gay

Message par Luka »

Yep, j'ai vu un reportage parlant des deux posts précédents hier soir. D'abord, le fait qu'à partir de mercredi prochain les mariages vont de nouveau pouvoir avoir lieu. La file de gens attendant à la mairie de SF dans le reportage était super touchante, et même s'ils étaient déçus de ne pas pouvoir le faire tout de suite, l'explosion de joie était conséquente!
Ensuite, une avocate/spécialiste/quelque chose expliquait qu'entre défendre et attaquer il y avait une différence. Les pro-prop8 étaient en position de défendre mais a priori pas d'attaquer puisqu'il faut pouvoir présenter des personnes qui ont subi une souffrance à cause de blabla pour pouvoir attaquer ce blabla. Deux couples faisaient l'office de plaignants je crois pour les anti-prop8. En l'absence de ces personnes là, si les prop-prop8 ne peuvent pas prouver que quelqu'un a souffert considérablement du mariage gay, alors il est possible que l'appel ne puisse pas avoir lieu.
Wait and see...
Zünisch
Messages : 6903
Inscription : mer. mai 30, 2007 7:15 pm

Re: La Californie (ne) légalise (plus) les mariages gay

Message par Zünisch »

Luka a écrit :Wait and see...
Et bah on a bien vu. Gel de la décision. Suspension des mariages gays. Encore 5 mois à attendre pour le verdict de l'appel. Les partisans de la Pro8 ne sont pas morts. :evil:
aldo
Messages : 374
Inscription : mar. sept. 22, 2009 8:28 pm

Re: La Californie (ne) légalise (plus) les mariages gay

Message par aldo »

Tiens, personne n'a fait remonter ce topic. Pourtant, le 7 février dernier la Cour fédérale d'appel a confirmé le caractère inconstitutionnel de la Proposition 8, qui avait pour effet d'inscrire dans la constitution californienne la définition du mariage comme l'union d'un homme et d'une femme. Pour elle, la Californie doit donc réautoriser le mariage gay.

Cependant, dans sa décision, elle explique que ce qui est contraire à la constitution fédérale, c'est de retirer le droit de se marier aux couples de même sexe après le leur avoir donné. Elle ne se prononce donc pas sur le caractère constitutionnel ou non de l'interdiction du mariage gay en tant que tel. Et tant mieux, parce qu'en l'état, la Cour suprême a déjà décidé que cette interdiction n'était pas inconstitutionnel (Baker v. Nelson, 1972).

Rappel des épisodes précédents :

1977 : la loi californienne définit le mariage comme l'union d'un homme et d'une femme ;
1999 : la Californie créée une « union civile » (domestic partnership), ouvert à tous les couples indistinctement ;
2000 : la définition du mariage comme union d'un homme et d'une femme est confirmée par référendum (Proposition 22), ce qui ne modifie pas la Constitution mais empêche le parlement californien de revenir dessus ;
2003 : une loi californienne donne aux couples en union civile les mêmes droits et les mêmes devoirs qu'aux couples mariés, y compris en matière d'adoption ;
2008 : la Cour suprême de l'État de Californie déclare contraire à la Constitution californienne toutes les dispositions restreignant le mariage aux couples formés d'un homme et d'une femme, le mariage est donc ouvert de fait aux couples de même sexe ;
2008, mais 143 jours plus tard : la Proposition 8 est adoptée par référendum, elle modifie la Constitution pour définir le mariage comme l'union d'un homme et d'une femme ;
2009 : la Cour suprême de l'État de Californie confirme la validité de la Proposition 8, en précisant qu'elle n'annule pas pour autant les 18 000 mariages entre couples de même sexe ayant eu lieu entre la légalisation du mariage gay et l'adoption de la Proposition 8, et en ajoutant que le seul effet de cette dernière est d'empêcher les couples homosexuels d'utiliser le mot « mariage » (l'union civile californienne leur donne en effet toujours les mêmes droits que le mariage) ;
2010 : un tribunal fédéral de première instance déclare la Proposition 8 contraire au 14e amendement de la Constitution des États-Unis, car l'interdiction de se marier faite aux couples de même sexe est injustifiée et donc arbitraire (due process clause), et viole aussi le principe d'égalité devant la loi (equal protection of the laws). Il sera plus tard révélé que le juge était depuis 10 ans en couple avec un autre homme...

Et maintenant, pour ceux que ça intéresse, entrons dans les détails. Mon post est un peu long, il y aura 4 parties :
1. une présentation rapide du problème ;
2. l'opinion de 2 des 3 juges, qui, étant majoritaire, est devenue la décision de la cour ;
3. l'opinion contraire du 3e juge (dissent) ;
4. le vrai problème qui se cache derrière une résolution fédérale de la question du mariage gay.

* * *

Le jugement se divise en deux partie : d'abord l'opinion majoritaire de deux des trois juges (Reinhardt (qui a 80 ans !) et Hawkins), et qui forme donc la décision de la cour, suivie de l'opinion de Smith, qui n'est n'est pas d'accord avec les deux autres et explique pourquoi (on appelle ça un dissent)

Les trois juges sont d'accord sur le fait que le droit de se marier est un droit fondamental, protégé par la constitution californienne (c'est la justice californienne elle-même qui le dit). On ne peut donc pas le limiter sans justification, car la constitution fédérale prohibe l'arbitraire (c'est comme ça que je traduirais la due process clause du 14e amendement). Et on peut encore moins le retirer sans justification à une partie de la population et pas à l'autre, car cela contreviendrait au principe d'égalité devant la loi (equal protection of the laws), lui aussi protégé par la constitution (encore le 14e amendement).

Tout se résume donc à ceci : est-ce que la Proposition 8 peut être justifiée ? C'est là que l'analyse de la majorité (Reinhardt et Hawkins) et de Smith divergent.

* * *

C'est Reinhardt qui écrit l'opinion de la majorité. Il commence par une précision, histoire que les choses soient claires. « La question de savoir si la Constitution permet que le droit de se marier soit refusé aux couples de même sexe est une question importante et très controversée. Elle fait actuellement débat au sein de notre nation, et sur son sujet des hommes de bonne volonté peuvent s'opposer, parfois violemment. Naturellement, lorsqu'une décision de justice nécessite la résolution d'une question constitutionnelle, les cours de just ne sauraient s'abstenir de trancher sous prétexte qu'il y a controverse [je mets les italiques, si quelqu'un veut bien faxer ça à notre Conseil constitutionnel...]. Toutefois, nous n'avons pas besoin ici d'adresser ce problème dans sa plus grande généralité, car la Californie avait déjà étendu aux couples de même sexe, et les droits qui découlent du mariage, et le terme même de “mariage”, et que le seul effet de la Proposition 8 était de leur retirer l'utilisation de ce terme, tout en leur en laissant les droits qui en découlent. Cet effet unique et très limité de la Proposition 8 nous permet de répondre à la question de la constitutionnalité de cet amendement d'une manière qui lui est propre. » (“Whether under the Constitution same-sex couples may ever be denied the right to marry is an important and highly controversial question. It is currently a matter of great debate in our nation, and an issue over which people of good will may disagree, sometimes strongly. Of course, when questions of constitutional law are necessary to the resolution of a case, courts may not and should not abstain from deciding them simply because they are controversial. We need not and do not answer the broader question in this case, however, because California had already extended to committed same-sex couples both the incidents of marriage and the official designation of ‘mariage’, and Proposition 8's only effect was to take away that important and legally significant designation, while leaving in place all of its incidents. This unique and strictly limited effect of Proposition 8 allows us to address the amendment's constitutionality on narrow grounds.”)

Reinhardt va appuyer son analyse sur une précédente décision de la Cour suprême, Romer v. Evans (1996), dont il va essayer d'appliquer les principes à la lettre. Fait notable, cette décision avait été écrit par Justice Kennedy, qui est le seul Justice (c'est comme ça qu'on appelle un juge de la Cour suprême des États-Unis) dont on ignore ce qu'il déciderait si jamais la Cour suprême avait à se prononcer sur la Proposition 8... Il paraîtrait en effet que 4 des 9 juges seraient plus en faveur du mariage gay, et que 4 autres plutôt contre (ou en tout cas contre une décision fédérale à ce sujet). On pourrait presque penser que Reinhardt a écrit l'opinion majoritaire pour lui...

Dans Romer, la Cour suprême avait dû se prononcer sur la validité d'un amendement à la Constitution du Colorado, adopté par référendum. Cet amendement interdisait à l'État d'interdire les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle... Or, pour la Cour suprême, une loi introduisant une différence de traitement entre différents groupes « est valide si elle ne limite aucun droit fondamental de manière excessive, si cette discrimination n'est pas suspecte, et seulement dans la mesure où elle poursuit de manière rationnelle un objectif légitime » (“if a law neither burdens a fundamental right nor target a suspect class, we will uphold the legislative classification as long as it bears a rationnal relation to some legitimate end”) La Cour n'avait trouvé aucune justification, et en avait déduit qu'il ne provenait que l'animosité (animus) d'une partie de la population. Selon elle, La Constitution n'autorise pas de telles lois, et l'amendement avait donc été annulé.

Reinhardt va donc examiner les différentes justifications proposées par les partisants de la Proposition 8. Il y en a eu plusieurs, certains grotesques (par exemple empêcher les enfants d'apprendre l'existence l'existence du mariage homosexuel à l'école...). Je ne vais pas tout détailler, mais la justification la plus importante était que la Proposition 8 permettrait de favoriser les meilleures conditions possibles pour élever des enfants (i.e. au sein d'un couple hétérosexuel marié) et d'inciter à une procréation responsable (i.e. au sein d'un couple hétérosexuel marié). Reinhardt va cependant remarquer que le seul effet de la Proposition 8 était d'empêcher les couples homosexuels de voir leur relation être qualifié de « mariage », tout en leur laissant les mêmes droits que les couples hétérosexuels, notamment vis-à-vis des enfants. En effet, dans une union civile, « les deux partenaires disposent des mêmes droits, protections et avantages que des époux mariés, et sont soumis aux mêmes responsabilités, obligations et devoir légaux » (“registered domestic partners shall have the same rights, protections, and benefits, and shall be subject to the same responsibilities, obligations, and duties under law, whether they derive from statutes, administrative regulations, court rules, government policies, common law, or any other provisions or sources of law, as are granted to and imposed upon spouses”). Notons que cela concerne aussi l'adoption, et, de manière générale, tout ce qui a à voir avec l'éducation des enfants. Quand bien même la famille hétérosexuelle serait le meilleur cadre pour élever des enfants, difficile de dire que la Proposition 8 rend plus probable que ceux-ci soient élevés par un couple composé d'un homme et d'une femme. Par ailleurs, on voit mal comment interdire aux gays et aux lesbiennes de se marier peut pousser davantage de couples hétérosexuels à se marier...

Bref, pour Reinhardt, la Proposition 8 n'est née que de l'animosité d'une partie de la population envers les gays et les lesbiennes. Il remarque d'ailleurs que, tout au long de la campagne, les partisans de la Proposition avaient mis en avant le fait que les relations homosexuelles étaient inférieures, qu'il était dangereux que les enfants y soient exposés. Certes, dans Romer, l'amendement à la Constitution du Colorado était lourd de conséquences. Ici, on ne fait « que » retirer aux couples de même sexe le droit d'utiliser le mot « mariage », ce qui n'est en soit pas grand chose, surtout que, comme on l'a dit, les droits dans une union civile sont les mêmes que dans un mariage. Mais Reinhardt en tire un argument de plus pour dire que rien d'autre ne justifie la proposition 8 que l'animosité générale. Parce que le mot « mariage » a un sens bien précise : « c'est le nom donné par la société à la relation la plus importante que peuvent entretenir deux adultes » (“‘mariage’ is the name that society gives to the relationship that matters the most between two adults”). « Comme les partisans de la Propositions 8 l'ont admis, le mot “mariage” a une signification toute particulière, et il y a une grande différence d'un point de vue symbolique entre l'union civile et le mariage. [...] Nous sommes émus lorsque quelqu'un demande : “veux-tu m'épouser ?”, que ce soit un genoux à terre dans un restaurant ou bien par un message affiché sur l'écran géant d'un stade. Assurément, cela ne ferait pas le même effet que de lire “veux-tu contracter une union civile avec moi ?” [...] Si le film de Marilyn Monroe s'était intitulé Comment contracter une union civile avec un millionaire, cela n'aurait pas donné à son célèbre film la même signification » (“as Proponents have admitted, the word ‘marriage’ has a unique meaning, and there is a significant symbolic disparity between domestic partnership and marriage. [...] We are excited to see someone ask, ‘Will you marry me?’, whether on a bended knee in a restaurant or in a text splashed across a stadium Jumbotron. Certainly it would not have the same effect to see ‘Will you enter into a domestic partnership with me?’ [...] Had Marilyn Monroe's film been called How to Register a Domestic Partnership with a Millionaire, it would not have conveyed the same meaning as did her famous movie”). Le simple mot « mariage » a donc une signification qui va bien au-delà de ses conséquences pratiques et légales : « on ne célèbre pas le fait que deux personnes fusionnent leur compte en banque ; on célèbre leur leur mariage » (“we do not celebrate when two people merge their bank accounts; we celebrate when a couple marries”). Retirer aux couples de même sexe le droit de se marier n'a donc d'autre but que de marquer leur infériorité.

Pour cette raison, la Proposition 8 est invalidée.

* * *

Le troisième juge, Smith, n'est pas d'accord avec cette analyse, et va expliquer sont point de vue dans un texte séparé, un dissent, qui n'a pas de valeur judiciaire en lui-même.

On l'a vu, pour la Cour suprême, une loi introduisant une différence de traitement entre différents groupes « est valide si elle ne limite aucun droit fondamental de manière excessive, si cette discrimination n'est pas suspecte, et seulement dans la mesure où elle poursuit de manière rationnelle un objectif légitime. »

D'abord, pour Smith, une discrimination fondée sur l'orientation sexuelle n'est pas, a priori, "suspecte".

Ensuite, ici l'atteinte aux droits fondamentaux est minime, parce que, comme je l'ai expliqué, il ne s'agit « que » d'empêcher les couples de même sexe d'utiliser le mot « mariage ». Sinon, concrètement, ils ont les mêmes droits dans une union civile. Dans Romer, c'était une atteinte beaucoup plus grave qui leur était faite, ici ce n'est pas comparable.

Enfin, en ce qui concerne la nécessité d'un objectif légitime, Smith va citer une autre décision de la Cour suprême, Heller v. Doe (1993), encore écrite par Kennedy. Le fait qu'une atteinte au principe d'égalité devant la loi doive être justifiée « ne donne pas pour autant aux tribunaux le droit de juger de la sagesse, de la justesse, ou de la logique des choix législatifs. Une discrimination ne concernant pas un droit fondamental et ne se fondant pas sur des principes suspects doit recevoir une forte présomption de validité » (“in equal protection analysis, rational basis review is not a license for courts to judge the wisdom, fairness, or logic of legislative choices. A classification neither involving fundamental rights nor proceeding along suspect lines is accorded a strong presumption of validity”). Or justement, pour Smith, aucun droit fondamental n'est vraiment attaqué, et la classification hétérosexuels/homosexuels n'est pas suspecte en elle-même (contrairement à une classification Blancs/Afro-Américains, par exemple). Dans ce cas là, il faut tout de même qu'il y ait justification, mais même une faible justification suffit : il n'est pas nécessaire de fournir une preuve factuelle du caractère rationnel de la discrimination, et une justification spéculative, sans soutient empirique, conviendrait. Smith place donc la barre bien moins haut que Reinhardt (on pourrait même dire qu'il la place au sol, histoire d'être sûr que la Proposition 8 puisse passer au-dessus...).

Smith va trouver une telle justification, dans le fait que la Proposition 8 favoriserait la meilleure éducation possible des enfants (dans des familles hétérosexuelles) et aussi une « procréation responsable » (c'est-à-dire au sein de couples mariés). Peu importe que les couples de même sexe aient les mêmes droits et devoirs vis-à-vis des enfants que les couples hétérosexuels. Il est légitime pour l'État de Californie de s'occuper des conditions dans lesquelles les enfants sont élevés ; or des études sur les familles homoparentales montrent qu'elles sont aussi bonnes que des familles hétéroparentales, d'autres montrent qu'elles sont moins biens, on ne peut donc rien déduire du côté empirique. On est par conséquent dans le domaine de la spéculation, et le Peuple a donc le droit d'imposer son point de vue sur le sujet. Ensuite, puisque l'on a un objectif valable, pour avoir une justification complète, il faut encore vérifier qu'il y a bien un rapport rationnel entre cet objectif et la Proposition 8. Dans Heller, la Cour suprême a reconnu qu'il fallait accepter le raisonnement du Législateur « même s'il n'y a qu'une correspondance imparfaite entre l'objectif affiché et les moyens » (“even if there is an imperfect fit between means and ends”). Il est possible, ici, que l'on ait cru que certains couples de même sexe refusent de se marier parce que le mariage est aussi accessible aux gays et aux lesbiennes. Peu importe que cet argument soit probablement faux, il suffit qu'il soit possible (“the assumptions underlying these rationales may be erroneous, but the very fact that they are ‘arguable’ is sufficient [...] to ‘immunize’ congressional choice from constitutional challenge”).

On a donc notre justification minimale, pour Smith la cour ne devrait donc pas annuler la Proposition 8.

* * *

Je terminerai en disant qu'il ne faut pas se méprendre sur l'enjeu de cette décision. On aurait tort, je pense, d'interpréter ce jugement, et l'opinion dissidente, comme d'un côté l'avis de Juges Sympas et Progressistes, et de l'autre côté l'avis d'un Conservateur Rétrograde Homophobe. Il est difficile de dire quelle est l'opinion de Smith, en tant que citoyen, sur le mariage gay. Il commence en effet par souligner le fait que la mission de ce tribunal n'est pas de déterminer si cet amendement est bon ou sage d'un point de vue politique, ou de dire si, en tant qu'individu, il pense qu'il ait sa place dans la constitution californienne. Son point de vue regardant le débat politique et sociologique sur l'égal accès au mariage est ici hors de propos. (“I wan to emphasize a distinguished point in my analysis from what may be anticipated by the reader. [...] Our panel was not tasked with determining whether this constitutional amendment is wise or sound as a matter of policy or whether we, as individuals, believe it should be part of the California Constitution. Our personal views regarding the political and sociological debate on marriage equality are irrelevant to our task”).

Au delà du mariage gay, ce qui s'affrontent ici, ce sont deux points de vue sur l'organisation des États-Unis, deux points de vue qui sont aussi vieux que les États-Unis eux-même. La véritable question est celle-ci : dans quelle mesure est-ce que l'État fédéral peut s'immiscer dans les affaires de chacun des États qui composent les États-Unis ? La question du mariage est, sans aucun doute possible, du ressort de chaque État. Je pense très sincèrement que si Smith place la barre si bas dans sa recherche d'une justification pour la Proposition 8, ce n'est pas parce qu'il est homophobe, mais parce qu'il pense que l'État fédéral (ou la justice fédérale, dont il fait partie) ne peut intervenir dans la politique intérieure d'un État comme la Californie que lorsque celui-ci décide quelque chose de vraiment trop énorme. Ce n'est pas le cas ici.

C'est d'ailleurs pour cela qu'il termine en parlant de Baker v. Nelson, cette décision de la Cour suprême qui dit que l'interdiction du mariage gay n'est pas, en elle-même, contraire à la Constitution fédérale. En fait, Baker v. Nelson est une décision de la Cour suprême du Minnesota : c'est elle qui a dit que le mariage gay n'était pas contraire à la Constitution fédérale. Cette décision est allé en appel devant la Cour suprême des États-Unis, appel que cette dernière a rejeté, car la question n'avait pas d'enjeu fédéral (dismissal for want of a substantial federal question). Ce qui revenait, de sa part, à affirmer que la Cour suprême du Minnesota avait raison, et cela a donc fait jurisprudence. L'appel a été rejeté parce que le droit du mariage ne concerne pas l'État fédéral, qui n'a pas à s'immiscer sur ce sujet dans la vie politique de chacun des États qui composent les USA.

Traditionnellement, ce sont les Démocrates qui sont les plus favorables à un État fédéral fort, et les Républicains qui préfèrent sauvegarder la souveraineté de chacun des États...
Répondre