L'incertitude incarnée.

To bi or not to bi ? Telle est la question.
Thymian
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L'incertitude incarnée.

Message par Thymian »

Bonsoir à tous,

(je précise que toute incertaine que je puisse vous paraître par la suite (oh, et vous aurez raison), je reste hyper consciente que la bisexualité ne se résume certainement PAS à la confusion. Et que c'est génial.)

C'est impoli. Mais je vais parler un tout petit peu de moi :) Et puis je le fais aussi en espérant que ça trouvera écho chez quelqu'un d'autre, parce que si c'était exclusivement mon cas à moi, ça n'aurait pas grand intérêt ou grande importance.

Je me suis longtemps considérée hétéro simplement par omission de questionnement.
Je me suis vaguement considérée bisexuelle à l'adolescence. Je me suis ensuite considérée lesbienne pendant quelques années. Et je tenais vraiment à cette identité. Pour moi c'était l'achèvement d'une auto-quête de vérité, et j'étais arrivée à la mienne, qui était la case lesbienne, et je me sentais tellement en phase avec cette définition que c'en était génial.
Aujourd'hui, je me retrouve en plein doute. Non seulement je n'arrive plus à m'appliquer le mot "lesbienne", mais ce n'est pas comme si je me collais celui de "bisexuelle" ou "pansexuelle" ou quoi que ce soit d'autre avec aisance et application. Pas du tout. Et ce n'est même pas comme si j'avais cette furieuse énergie, cette envie de repartir dans une auto-quête.
Très honnêtement je pense avoir été complètement, totalement lesbienne. Les hommes ne m'attiraient pas le moins du monde, sexuellement ou de manière romantique. C'était simple, ça me convenait. Mais très honnêtement aussi, je ne pense pas avoir jamais pensé que ce serait figé pour l'éternité. Il y a toujours eu une part monstrueuse de doute en moi. Pour tout. Le doute serait-il ma religion ? Je commence à le croire.
Les hommes me laissent-ils si indifférente que ça ? Mais est-ce vraiment moi bon sang ? Quand je regarde un homme, pense à un homme, je ne trouve plus de réponse. Quand je regarde une femme, pense à une femme, je ne trouve plus de réponse.
Je ne saurais pas vous dire pourquoi le fait de soupçonner que je ne sois plus si lesbienne que ça a eu tant d'impact sur moi. Tout à coup ça m'attristait de ne plus pouvoir m'identifier avec ce mot qu'est "lesbienne". Ca m'attristait tout autant pour une raison aussi stupide que si je devais me dire bi, ben dans LGBTQ+ le B, il vient en troisième quand même. (vous ai-je dit que cette raison était stupide et irrecevable ? Au cas où, vous pouvez me frapper. Mais pas trop fort.)

En fait, serait-ce possible que je ne sois rien ? Pas seulement au niveau de ma sexualité, mais de moi tout simplement, depuis mon auto-perception de genre jusqu'à mes goûts alimentaires et/ou vestimentaires en passant par mon moi existentiel qui selon certains philosophes n'existe pas (eh NON.). Suis-je seulement assez forte pour accepter ou décider de ne m'identifier à rien ?

Et, haha la bonne blague. Mon statut de grande romantique amère et pessimiste, optimistement désabusée, lucide mais trop déconnectée quand même et désespérément stupidement mièvre et idéaliste mais absurdement réaliste : quand est-ce que tout ça arrêtera d'être vide et en même temps trop compliqué ?

(Khof. Vous pouvez ignorer cette dernière question à rallonge. Rhétorique ratée. 8) )

Merci de m'avoir lue, pour ceux qui sont arrivés là.
marfield
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Re: L'incertitude incarnée.

Message par marfield »

Je veux te répondre en une équation toute bête :
Étiquettes = caca

Mais je vais développer un peu plus si tu le veux bien parce que je suis un peu dans ton cas.
J'ai toujours été lesbienne. D'un côté, c'était bien parce que ça avait un côté revendicatif. Et de l'autre, ça m'emmerdait bien profondément de me mettre dans une case et de passer pour une meuf un peu fermée d'esprit au final. Un peu comme quand tu entends des mecs ou des meufs qui se disent "100% hétéros". Bah j'avais pas envie d'être "100% lesbienne". Parce que j'ai ce sentiment que ce sont des personnes qui ne se sont jamais questionnées, qui ne se remettent jamais en question, qui prennent ça comme une évidence. Et de ce que je sache, les bi sont souvent mis à l'écart par les homos. Alors qu'on est pourtant tou(te)s super ouverts d'esprits vu qu'on a une sexualité alternative. Bah oui, voyons !
À choisir, j'aurais voulu être bi. Pouvoir aimer une personne pour ce qu'elle est et non pas pour son sexe, à la façon dont on fait l'amour. Mais dans l'expérience, c'est pas mon cas. J'ai déjà été attirée par des mecs, il s'est passé des trucs sexuellement mais c'était pas mon élément.

Et ensuite, la sexualité est fluide, change au fur et à mesure du temps, des personnes que tu rencontres, de tes expériences... Ce qui me dérange, c'est qu'en somme, on désigne des gens par leur sexualité, si on est ...sexuels. Et l'amour on en fait quoi ? Donc on se retrouve avec des gens un peu comme moi qui peuvent aimer les deux, être attirés physiquement par les deux aussi mais attirés sexuellement par les filles. Et je rentre dans quelle case alors ? Bisentimentale ? Biphysicale ? Homosexuelle ?
Fichtre. Trop d'étiquettes. Que ce soit pour la sexualité ou autre même. Si tu t'habilles en noir, t'es gothique. Si t'es un mec et que tu prends soin de toi, t'es métrosexuel. Si t'aimes les voitures, t'es un garçon dans ta tête. Si tu es contre l'immigration, t'es forcément de droite (alors que la droite et la gauche, ça vient de courants de pensée selon l'intervention de l'état ou non dans l'économie). Les exemples sont nombreux.

(Edit : Et je crois que je suis complètement hors-sujet mais bon.)
CapitalT
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Re: L'incertitude incarnée.

Message par CapitalT »

Pareil que marfield, les étiquettes ça marche juste un temps, c'est difficile de faire tenir toute une personne dedans!

Je pense que je comprends ce que tu veux dire, à l'époque où j'avais découvert que je préférais les filles, je pensais que ça voulait dire que ça y est, les problèmes sont terminés, maintenant la vie ne sera que miel, douceurs et facilité (au niveau sentimental en tout cas) :D Puis après je me suis rendue compte que les garçons aussi étaient mignons et ça a été la panique totale parce que ça voulait dire que la vie n'était qu'un mensonge.
En fait, serait-ce possible que je ne sois rien ? Pas seulement au niveau de ma sexualité, mais de moi tout simplement, depuis mon auto-perception de genre jusqu'à mes goûts alimentaires et/ou vestimentaires en passant par mon moi existentiel qui selon certains philosophes n'existe pas (eh NON.). Suis-je seulement assez forte pour accepter ou décider de ne m'identifier à rien ?
Je suis d'avis avec l'ami Nietzsche (j'espère d'ailleurs ne pas me planter en disant cela) que ça ne sert à rien d'essayer de s'auto-percevoir et de s'auto-définir, tu es la somme de tes actions. Tu peux être lesbienne et aimer des garçons ou bien être bi et ne sortir qu'avec des filles, c'est à toi de voir ce que tu veux faire de ta vie. Et s'identifier à rien, c'est quand même s'identifier à quelque chose. Tu vois, rien n'est perdu!
Et, haha la bonne blague. Mon statut de grande romantique amère et pessimiste, optimistement désabusée, lucide mais trop déconnectée quand même et désespérément stupidement mièvre et idéaliste mais absurdement réaliste : quand est-ce que tout ça arrêtera d'être vide et en même temps trop compliqué ?
Ton statut de grande romantique devrait se réjouir à l'idée que la vie est compliquée, ainsi ça te permet de regarder la ville à travers une vitre ruisselante en se demandant quel est cet illustre sort qu'est le nôtre. :D
Thymian
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Re: L'incertitude incarnée.

Message par Thymian »

Nan, nan marfield t'es pas hors sujet et c'est même hyper intéressant (et merci d'avoir répondu, entre autres. :mrgreen: ).

Etiquettes = caca, je suis en théorie absolument d'accord avec ça. Mais ce serait trop drôle si la pratique recoupait entièrement la théorie. En pratique, ma foi, c'est pas si simple de ne pas se mettre dans une case, au moins un petit peu. Histoire d'avoir quelque chose à quoi se raccrocher. En même temps cette idée même de se restreindre et de se fiche une belle étiquette flambant neuve me fait grincer car je suis une fille extrêmement indépendante et forte et libérée de toute contrainte. (kof. kof. Dans ma tête. Mais jamais dans la vraie vie, naturellement.)
J'ai toujours été lesbienne. D'un côté, c'était bien parce que ça avait un côté revendicatif. Et de l'autre, ça m'emmerdait bien profondément de me mettre dans une case et de passer pour une meuf un peu fermée d'esprit au final. Un peu comme quand tu entends des mecs ou des meufs qui se disent "100% hétéros". Bah j'avais pas envie d'être "100% lesbienne". Parce que j'ai ce sentiment que ce sont des personnes qui ne se sont jamais questionnées, qui ne se remettent jamais en question, qui prennent ça comme une évidence. Et de ce que je sache, les bi sont souvent mis à l'écart par les homos. Alors qu'on est pourtant tou(te)s super ouverts d'esprits vu qu'on a une sexualité alternative. Bah oui, voyons !
Je comprends totalement ce doute quant au 100%. D'un côté c'est plus facile, de l'autre ça peut s'accorder avec "manque d'ouverture" (même si, pour être passée par là je pense fermement qu'on n'a pas de prise sur ce qu'on aime/ce vers quoi on est attiré. Ca peut pas être le signe d'une fermeture d'esprit et ça devrait en aucun cas être source de gêne en soi. :gentil: )
À choisir, j'aurais voulu être bi. Pouvoir aimer une personne pour ce qu'elle est et non pas pour son sexe, à la façon dont on fait l'amour. Mais dans l'expérience, c'est pas mon cas.
HA. Comme je te comprends. Mais on ne choisit pas, sinon ça se saurait.
Ce qui me dérange, c'est qu'en somme, on désigne des gens par leur sexualité, si on est ...sexuels. Et l'amour on en fait quoi ? Donc on se retrouve avec des gens un peu comme moi qui peuvent aimer les deux, être attirés physiquement par les deux aussi mais attirés sexuellement par les filles. Et je rentre dans quelle case alors ? Bisentimentale ? Biphysicale ? Homosexuelle ?
Eh mais en fait ! En fait on pense exactement pareil. Enfin même si c'est inexact ou sujet à débat, j'ai tendance à inclure le côté sentimental/amour dans bidulebidulechouettesexuel(le).
Alors si je devais me définir en fait ça ressemblerait à ce genre de truc homosemibisexuelle homosentimentale biphysicale. Ouais ça ressemble plus à rien; mais c'est marrant :ninja:

CapitalT !
Je pense que je comprends ce que tu veux dire, à l'époque où j'avais découvert que je préférais les filles, je pensais que ça voulait dire que ça y est, les problèmes sont terminés, maintenant la vie ne sera que miel, douceurs et facilité (au niveau sentimental en tout cas) :D Puis après je me suis rendue compte que les garçons aussi étaient mignons et ça a été la panique totale parce que ça voulait dire que la vie n'était qu'un mensonge.
Hihi. Parcours similaires à ce que je vois. :^^:
Je suis d'avis avec l'ami Nietzsche (j'espère d'ailleurs ne pas me planter en disant cela) que ça ne sert à rien d'essayer de s'auto-percevoir et de s'auto-définir, tu es la somme de tes actions. Tu peux être lesbienne et aimer des garçons ou bien être bi et ne sortir qu'avec des filles, c'est à toi de voir ce que tu veux faire de ta vie. Et s'identifier à rien, c'est quand même s'identifier à quelque chose. Tu vois, rien n'est perdu!
Si Nietsche a dit ça il avait sans doute très raison.
Mais au delà des actions il reste l'effroyable vide de ce qu'on est et pas de ce qu'on fait, et là ça devient un peu flippant. (et comme j'ai tendance à... agir très peu et restée en tête à tête avec l'affreux moi-même. Bah la somme de mes actions ça doit pas peser bien lourd :mrgreen:) mais tu as sans doute raison, et j'aime beaucoup ce que ta vision du truc comporte de très positif, le rien c'est déjà quelque chose.

Sinon... regarder la ville à travers une vitre ruisselante en se demandant quel est cet illustre sort ? C'est la définition d'un bon dimanche après midi ça. :niais: mais si on pouvait à chaque instant apprécier le fait que la vie est indeed très compliquée, ce serait bien.

Merci pour vos réponses marfield et CapitalT :mrgreen: une fois la vague passée ça paraît tout de suite moins dramatique (et un peu enfantin, mais qui a dit que j'avais le cerveau normalement constitué d'un adulte.)
Deleted User 9959

Re: L'incertitude incarnée.

Message par Deleted User 9959 »

C’est vrai que sur ce point, l’humain est très paradoxal : comment en effet pouvoir se définir autrement que comme « soi-même », si l’on ne sait pas ce que l’on est exactement ? Et au niveau de l’amour/attirance/désir/etc. c’est d’autant plus difficile de se savoir alors que notre vision est bien trop conditionnée par la distinction de sexe régie par notre société.

('pour ça d’ailleurs que je me suis inscrit ici, pour me défaire d’une vision normalisée sur l’amour et le désir pas forcément très efficace pour définir l’humain x’) )

Nienfin, je sais à quel point ça peut être frustrant de ne pas savoir ce que l’on est, ou même qui on est, et je me reconnais bien dans ton récit :) Mais le tout est de se dire, je pense, que nous ne sommes pas nos caractéristiques, mais bien la personne qui possède ces caractéristiques ; et en ce sens, on peut dire « Je suis homosexuel, bisexuel, etc. », sans que cela ne devienne pour autant une définition de notre être. Alors tant qu’on ne comprend pas qui l’on est, l’emploi d’étiquettes servant de support temporaire pour notre définition n'est pas négligeable.
Mais au delà des actions il reste l'effroyable vide de ce qu'on est et pas de ce qu'on fait, et là ça devient un peu flippant.
Ça m’a rappelé une citation de Sartre (recopier tous ses cours de philo à l’ordi, ça rafraichit la mémoire, il faut croire xD) : « Faire, et en faisant se faire et n’être rien d’autre que ce qu’on fait. »
Et en cela je trouve qu’il n’y a pas meilleure définition de soi-même que celle par notre vécu, ce qui… rejoint ce que CapitalT a dit finalement >> Mais bon, c’était juste pour la citation, qui résume bien que l’on ne peut pas savoir qui l’on est autrement que par ce que l’on fait, par notre histoire.

*Ne sait plus quoi rajouter*

Bon eh bien, j’espère ne pas avoir déblatéré trop de choses inutiles, mais bon, première participation sur le forum, donc je ne suis pas encore familiarisé avec ~
marfield
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Re: L'incertitude incarnée.

Message par marfield »

Thymian a écrit :Enfin même si c'est inexact ou sujet à débat, j'ai tendance à inclure le côté sentimental/amour dans bidulebidulechouettesexuel(le).
Je voulais juste réagir sur ça. Les deux sont plus ou moins complémentaires, mais ne sont pas tout à fait pareils à mon sens. Pour la majorité des gens, c'est le cas. Pour les gens sexuels en soi. En revanche, chez les gens asexuels, ça ne peut pas être le cas étant donné qu'ils aiment une personne (de même ou différent sexe) mais n'éprouvent pas de désir sexuel pour autant. Et je l'ai ressenti moi-même alors que je ne le suis pas dans le sens où j'ai aimé un garçon, genre vraiment, mais sexuellement, il ne m'attirait pas du tout et ça rendait l'acte impossible. Coucou la relation platonique ! Alors que quand je voyais des filles parfois, j'avais le clito qui en frémissait. :ninja:

Sinon, ravie de ne pas avoir été totalement hors sujet :gentil:
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