"On jouait comme des tapettes"

Homophobie,lesbophobie, biphobie, transphobie, sexisme et autres joyeusetés...
luluth
Messages : 764
Inscription : lun. juil. 04, 2005 12:56 pm

Re: "On jouait comme des tapettes"

Message par luluth »

Les insultes jouent un rôle particulier dans la langue. Ce sont des mots qu'on emploie moins pour signifier quelque chose de précis que pour dégrader, mépriser, blesser, offenser. Ce sont des mots-gestes, ils ne sont pas insultants par l'information qu'ils transmettent mais parce qu'ils sont censés l'être, ils sont catalogués comme tels.

Si ce n'était pas le cas, on prendrait le risque, en utilisant une insulte dont on ne comprend pas le sens, de l'employer à tort et d'être ridicule. Songez à ce qui se passerait si vous utilisiez le mot "piano" sans savoir ce qu'il désigne, puis songez à ce qui se passerait avec "enculé" ou "enfoiré" : vous ne pouvez pas traiter n'importe quoi de "piano", mais d'"enculé" ou de "enfoiré", si, parce que le sens de ces mots n'a pas besoin d'être actualisé, c'est leur portée qui importe. D'ailleurs, votre interlocuteur, si c'est à lui que vous choisissez de destiner ces mots, se sentira offensé qu'il sache ou non ce qu'ils signifient.

Qui sait ici, d'ailleurs, qu'un enfoiré est une personne recouverte d'excréments ?

Je ne veux pas dire qu'il n'y a aucun problème, et je ne saurais trancher. Mais je me demande si l'option "Les mots sont homophobes même si ceux qui les emploient ne le sont pas", ne repose pas sur une idée assez gênante pour moi, qui est qu'un mot signifie toujours tout ce qu'il peut signifier. Suivant cette logique, il faudrait considérer que, dans n'importe quel texte, le mot "homme", par exemple, signifie et l'individu masculin et le membre de l'humanité, qui peut être homme ou femme. D'ailleurs, certaines personnes n'aiment pas ce dernier emploi du mot et disent toujours "les hommes et les femmes", ou cherchent autre chose. Mais vous voyez que cette idée complique un peu la vie, et qu'en tout cas où peut se demander pourquoi se la compliquer, quand apparemment on peut se débrouiller avec des mots qui ont différents sens dans le dictionnaire, mais qui ne les actualisent pas tous dans n'importe quel discours. Avec la première option, on considérerait que dans cette phrase, "comme des tapettes" signifie d'une façon qui ne convient pas au jeu dont on parle et qui en plus de ça est méprisable, et on ne verrait pas d'homosexuel là-dedans, parce qu'il serait assez gratuit de considérer que la personne qui l'a prononcée, tout à coup, par pur caprice, aurait eu le désir d'insulter les homosexuels tout en parlant de sa propre honte.
Ghost33
Messages : 41
Inscription : sam. oct. 13, 2007 6:21 pm

Re: "On jouait comme des tapettes"

Message par Ghost33 »

Je ne veux pas dire qu'il n'y a aucun problème, et je ne saurais trancher. Mais je me demande si l'option "Les mots sont homophobes même si ceux qui les emploient ne le sont pas", ne repose pas sur une idée assez gênante pour moi, qui est qu'un mot signifie toujours tout ce qu'il peut signifier. Suivant cette logique, il faudrait considérer que, dans n'importe quel texte, le mot "homme", par exemple, signifie et l'individu masculin et le membre de l'humanité, qui peut être homme ou femme. D'ailleurs, certaines personnes n'aiment pas ce dernier emploi du mot et disent toujours "les hommes et les femmes", ou cherchent autre chose. Mais vous voyez que cette idée complique un peu la vie, et qu'en tout cas où peut se demander pourquoi se la compliquer, quand apparemment on peut se débrouiller avec des mots qui ont différents sens dans le dictionnaire, mais qui ne les actualisent pas tous dans n'importe quel discours. Avec la première option, on considérerait que dans cette phrase, "comme des tapettes" signifie d'une façon qui ne convient pas au jeu dont on parle et qui en plus de ça est méprisable, et on ne verrait pas d'homosexuel là-dedans, parce qu'il serait assez gratuit de considérer que la personne qui l'a prononcée, tout à coup, par pur caprice, aurait eu le désir d'insulter les homosexuels tout en parlant de sa propre honte.
D'accord, alors moi je vais te citer un exemple :
Imaginons un gamin qui va se découvrir homosexuel à sa deuxième ou troisième année de collège.
Pendant des années il aura entendu que "PD" est une injure dont il ne comprend pas spécialement le sens et il va même l'utiliser.
Et puis pendant ce temps il ressent qu'il est différent mais ne sait pas trop pourquoi.
Au moment de sa deuxième ou troisième année de collège il va donc découvrir qu'il est homo, et puis il va comprendre que "PD" ça désigne ce qu'il est.

Même si les autres utilisent cette injure sans vraiment savoir ce qu'elle signifie, il n'empêche que c'est par l'injure que l'enfant va se définir.

Je trouve ça problématique...

Pourquoi, puisque visiblement on se fiche de savoir ce que signifie vraiment l'injure, n'a-t-on pas utilisé comme injure des mots qui veulent dire autre chose que "efféminé", "homosexuel", "gay", "lesbienne" ? On voit bien que c'est ce qui est efféminé ou homosexuel qui sert d'injure. On va traiter quelqu'un de sale hétéro, ça va le faire rigoler, parce que hétéro n'est pas une injure.
luluth
Messages : 764
Inscription : lun. juil. 04, 2005 12:56 pm

Re: "On jouait comme des tapettes"

Message par luluth »

Attention : je n'ai pas dit que les insultes ne signifiaient rien, j'ai dit qu'elles n'avaient pas besoin de signifier quelque chose pour être des insultes. Il y a en français un certain nombre de mots dont on sait que, si on les emploie pour qualifier quelqu'un, ce faisant on l'insulte, u'on sache ce que signifient ces mots ou non, et quelque soit notre opinion sur l'homosexualité, la diarrhée ou le sexe féminin.

Le sens d'un mot insultant est plus ou moins actualisé en fonction du contexte, du discours, du locuteur. Bien sûr qu'on peut traiter quelqu'un de "tapette" ou de "pédé" avec la ferme intention de dénoncer son homosexualité. Mais on peut aussi le faire sans y penser une seconde. Il faut voir au cas par cas : c'est ce que je veux dire ici.

Ces mots ont une origine, oui. Mais l'origine n'est pas le sens. On le voit avec tous les autres mots : "énervé" ne signifie plus "qui n'a plus de nerfs, qui est tout mou", par exemple. Les insultes étant des mots particuliers, elles ont une évolution un peu différente aussi : je dirais que leur sens importe de moins en moins au fur et à mesure qu'elles se lexicalisent, qu'elles entrent dans le dictionnaire ; en gros, au fur et à mesure qu'on sait que ce sont des insultes.
Tromignon
Messages : 27
Inscription : ven. août 14, 2015 8:09 pm

Re: "On jouait comme des tapettes"

Message par Tromignon »

Ce qu'il a dit ne me choque pas.

Je trouve que, même si a la base c'était homophobe, maintenant c'est plus considéré dans le sens "peureux" que dans le sens "pd".
A ce moment là, si on prend la mouche dès que quelqu'un dit un insulte qui avait un fort sens sexiste/raciste/homophone/spéciste alors que maintenant c'est juste un terme comme un autre ... J'ai du souvent être sexiste (allé les gonzesses !), homophobe (arrête de faire ta tapette ! [en pensant trouillarde]), handicapé-phobe (bande de bras cassées ! Espèce de débile [en tant que vanne]) ... Et j'en passe.

Il y a tellement d'insulte en tout genre qui sont utilisées aujourd'hui pour charrier, vanner, s’énerver. Si dès qu'on sort une grossièreté on doit d'abord se pencher sur son étymologie, je pense qu'on est pas sortie de l'auberge.

Après c'est juste mon avis mais je comprend pas vraiment ce besoin de toujours formater le langage pour s'assurer de ne vexer personne.
Avatar de l’utilisateur
Kennedy
Messages : 2377
Inscription : lun. juil. 11, 2005 1:23 pm
Genre : icone de genre fille

Re: "On jouait comme des tapettes"

Message par Kennedy »

Tromignon a écrit :Ce qu'il a dit ne me choque pas.

Je trouve que, même si a la base c'était homophobe, maintenant c'est plus considéré dans le sens "peureux" que dans le sens "pd".
A ce moment là, si on prend la mouche dès que quelqu'un dit un insulte qui avait un fort sens sexiste/raciste/homophone/spéciste alors que maintenant c'est juste un terme comme un autre ... J'ai du souvent être sexiste (allé les gonzesses !), homophobe (arrête de faire ta tapette ! [en pensant trouillarde]), handicapé-phobe (bande de bras cassées ! Espèce de débile [en tant que vanne]) ... Et j'en passe.

Il y a tellement d'insulte en tout genre qui sont utilisées aujourd'hui pour charrier, vanner, s’énerver. Si dès qu'on sort une grossièreté on doit d'abord se pencher sur son étymologie, je pense qu'on est pas sortie de l'auberge.

Après c'est juste mon avis mais je comprend pas vraiment ce besoin de toujours formater le langage pour s'assurer de ne vexer personne.
Sauf que "tapette" désigne toujours un homosexuel (quand tu dis "plus ... que", ça veut tout dire). Ce n'est pas un mot qui a évolué suffisamment pour que le terme d'origine soit totalement oublié par l'ensemble de la communauté (du langage considéré). Le lien avec une insulte homophobe continue donc de se faire, pas forcément dans l'instant : celui qui prononce l'insulte peut effectivement ne pas penser réellement viser les homos, mais il contribue à véhiculer l'idée qu'il y a quelque chose de négatif autour de l'homosexualité, même sans aller jusqu'à analyser toute l'étymologie de la chose : la petite graine de la discrimination se plante insidieusement dans les esprits. Si tu dis "allez les gonzesses" parce que tu trouves que les personnes à qui tu t'adresses manquent de tonus, c'est pareil : l'idée sous-jacente est que la mollesse est une caractéristique négative du genre féminin. Et ça plante cette image dans les esprits, même s'il n'y a pas de réflexion particulière sur les capacités des femmes à ce moment-là : à force d'entendre ce genre de réflexions, une bonne partie des personnes visées vont avoir plus ou moins consciemment intégré l'idée qu'il est dévalorisant d'être du côté du féminin.
Tromignon a écrit :Il y a tellement d'insulte en tout genre qui sont utilisées aujourd'hui pour charrier, vanner, s’énerver. Si dès qu'on sort une grossièreté on doit d'abord se pencher sur son étymologie, je pense qu'on est pas sortie de l'auberge.
C'est un choix. Les mots ont un sens, plus ou moins évident selon les cas. On peut choisir de s'interroger sur le poids des mots qu'on utilise. En réalité, des insultes il n'y en a pas 150000... on a vite fait le tour, donc si on veut éviter celles qui heurtent les minorités les plus souvent visées (car, oui, souvent ça tourne autour des mêmes choses et ça tape sur les mêmes groupes d'individus...), c'est tout à fait possible. Ca veut pas dire qu'on ne blessera jamais personne : on peut se planter parce qu'on ignore le sens de certains mots, et on peut vouloir faire mieux à l'avenir lorsqu'on comprend que ce qu'on dit contribue à fortifier des courants de pensée qu'on ne veut pas soutenir, ou lorsqu'on découvre qu'un mot est porteur d'un sens qu'on ne lui soupçonnait pas. Ca peut aussi dépendre du groupe dans lequel on se trouve (qui va percevoir ou non une autodérision, par exemple). Là encore, tout ça c'est une question de choix, après on adhère ou pas...
Tromignon a écrit :Après c'est juste mon avis mais je comprend pas vraiment ce besoin de toujours formater le langage pour s'assurer de ne vexer personne.
Le langage est vivant, en constante évolution, et il prend la forme qu'on veut bien lui donner (rien qu'en français, beaucoup de "règles" qu'on pense évidentes ne le sont que parce qu'on nous les a fourrées dans le crâne dès nos premières années). Il est aussi le support de nos idées et contribue à les véhiculer au sein de la communauté de langage à travers le temps et l'espace (j'ai écrit "langage" mais, déformation professionnelle oblige, je dois préciser que c'est plutôt le terme "langue" qui est approprié y compris au tout début de mon post). Les mots ont un poids et un impact. Donc oui, on peut vouloir choisir soigneusement ses mots, pour certaines personnes ce sera en toute situation, pour d'autres ce sera lorsqu'on tourne autour de sujets sensibles, pour d'autres encore dans des contextes jugés délicats. Que tu ne partages pas ce point de vue c'est une chose, mais que tu ne comprennes pas que certains souhaitent s'exprimer sans vexer gratuitement, je trouve cela assez dommage tout de même. :gn:
Tromignon
Messages : 27
Inscription : ven. août 14, 2015 8:09 pm

Re: "On jouait comme des tapettes"

Message par Tromignon »

Kennedy a écrit :Les mots ont un poids et un impact. Donc oui, on peut vouloir choisir soigneusement ses mots, pour certaines personnes ce sera en toute situation, pour d'autres ce sera lorsqu'on tourne autour de sujets sensibles, pour d'autres encore dans des contextes jugés délicats. Que tu ne partages pas ce point de vue c'est une chose, mais que tu ne comprennes pas que certains souhaitent s'exprimer sans vexer gratuitement, je trouve cela assez dommage tout de même. :gn:
Il faut que je travaille la dessus, j'ai la tête dur mais je suis ouverte. :wink:
inconnu n

Re: "On jouait comme des tapettes"

Message par inconnu n »

Et comme tu parles handicap, tous les "quel psycho lui", "mongolien/mongol", "je faiq mon autiste" et autres "ca a ete un electrochoc pour moi" c'est vraiment lourd pour braucoup de personnes concernees. Pas toustes mais beaucoup. (Et la le sens original reste evidemment puisque ce sont des termes medicaux).
Répondre