Le grand soir.

Garçon, fille, un peu des deux ou encore ailleurs, ici on discute identité de genre.
muchomachomarlboro
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Re: Le grand soir.

Message par muchomachomarlboro »

Norma, tu pointes la problématique dans laquelle je suis en fait et la raison pour laquelle j'ai décidé d'aller de l'avant en déclarant certaines choses : j'essaie de voir par ce que je fais et par ma capacité à gérer ce que je fais qui je crois être et non pas le contraire. Je ne suis convaincu de rien. Un lot douloureux de doutes et tout un travail d'acceptation accompagne la volonté de sortir de ses refoulements et ses névroses et je n'estime pas, loin de là, être accompli dans cette tâche. C'était jusque là une parade, je faisais exprès de performer mon ambiguïté pour qu'on la range du côté de la performance et non pas qu'on me la colle sur le front comme une tare. Mais aujourd'hui ces artefacts sont mes rituels, mes signes pour me donner une identité que je peux supporter, ce qui n'est pas toujours le cas. Après je ne crois pas qu'elle est quelque chose d'essentiel, si je voulais être mucho le garçon XY, je pourrais le faire croire sans que personne n'y ait à redire quoique ce soit et je l'ai fait. Mais en effet, il y a une contrainte sociale qui me pousse à la confidence. Je me souviens de l'humiliation au centre aéré de devoir dire que je ne suis pas une fille et que je dois aller me changer à la piscine avec les garçons (mes copines à qui je n'osais piper mot sur leur méprise subissaient un choc à la révélation auprès du moniteur :ninja: , quand tu as 8 ans ni les seins ni la voix ne sont là pour te marquer dans ton genre, quant aux fringues, he bien jean basket n'y faisaient pas grand chose). Ma voix est travaillée, oui on m'a donné des hormones pour ce qui n'était qu'un "petit problème de thyroïde" pendant deux ans entre autres choses qui seraient un indice gros comme un camion pour quiconque . Mais quand on refoule et surtout que vos parents refoulent pour vous aussi, rien n'y fait. Je sais c'est étonnant qu'avec un syndrome qui est censé touché le caryotype et non le phénotype on en arrive à là, mais si tu déranges, on t'arrange et surtout les variations autour des "pathologies" de ce genre sont nombreuses. Constamment j'ai le droit à "mademoiselle", ce qui était un problème bien localisé auquel il me suffisait de répondre "non, c'est monsieur" mais aujourd'hui je laisse faire, avec plus de questions que de convictions. C'est dur de porter cela, d'accepter que la confusion est fondée, non pas génétiquement, mais dans mon histoire de vie et dans ma psychologie et que cela ressort même si j'essaie de trouver des compromis. C'est peut-être ma conscience qui est datée mais le sentiment de se cacher à soi-même est étouffant. Et je cherche encore la force de laisser faire, de ne pas raconter cette expérience autrement que comme elle me vient. Tu parles d'un nœud Norma, c'est un nœud de honte que j'essaie de défaire et cela m'a pris des années à trouver cet équilibre précaire sur lequel je me voyais reposer toute ma vie. Parfois me traverse l'esprit un "mais t'es fou, tu n'as pas besoin d'aller au devant de cela, c'est ridicule" et ça me serre le cœur car j'ai l'impression de faire une bêtise, de me soumettre à plus de peine qu'autre chose. Mais d'un autre côté, cette fausse lecture me posait un cas de conscience car TOUS les hommes que j'ai connu (et même les deux filles) ont souligner quelque chose de "féminin" dans les meilleurs cas : ma peau, mes hanches, mes mains, mes bras, c'est toujours l'angoisse de devoir céder ces indices dans une relation et on n'a jamais manqué de me le faire remarquer.

Ce n'est pas là une réflexion cohérente, juste des remarques sur mon expérience, parfois péremptoires au point de m'agacer, mises bout à bout pour tenter de répondre à cette question dont je n'ai pas la réponse.

Mais c'est vrai, tu le notes implicitement, l'absence de marque de genre, te range dans le féminin plus que dans le masculin. C'est là une forme de misogynie assez difficile à débattre que ce féminin qui a pour définition de ne pas être le masculin (un jour à un homme qui me draguait en boite j'ai soulevé mon t-shirt pour lui montrer mon absence de sein et il m'a répondu "pas grave ça ma soeur aussi est plate" :ninja: ). Et ça c'est aussi un élément important. D'où la coïncidence entre ce que j'ai appris et mon intérêt pour les études féministes et queer.
zphyr
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Re: Le grand soir.

Message par zphyr »

Bon, je ne suis pas sûr de tout percevoir de ce que tu avances, mais je voudrais te témoigner mon ressenti (qui se rapproche beaucoup de ce qu'a dit Norma). Je ne t'ai vu qu'une fois, et la séduction (plutôt grande) que tu dégages est précisément fascinante car usant autant du féminin que du masculin. Ce passage incessant de l'un à l'autre met par ta présence, les deux genres à égalité, et pose une palette de qualités interchangeables.

J'ai personnellement trouvé cela très agréable, d'autant que tu maîtrises tout ça plutôt bien et que tu sais adapter ton échange à ton interlocuteur. (si j'ajoute un commentaire sur ta brillante intelligence, je sens que tu vas me lyncher !)

En ce qui concerne ton compagnon : il me semble que le côté féminin n'est uniquement ce qu'il recherche, mais un subtil mélange. Peut-être lui est-il plus difficile d'exprimer ce qu'il apprécie de masculin en toi ?

Égoïstement je te dirais : ne change rien ! :gentil:
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