Fallait voir le contexte...
En fait, celui d'un pique-nique familial. Quand je dis familial, il ne faut pas s'imaginer "pôpa, môman, et soeurette", mais plutôt tous les oncles et tantes, cousins et cousines, enfin bref, la totale quoi...
C'est l'été, on porte des vêtements très courts, comme ce débardeur que j'avais mis ce jour-là, et qui laissait largement entrevoir la merveilleuse ceinture rainbow que je portais...
Vous vous demandez pourquoi être aussi kamikaze quand toute la famille ignore (mais se doûte) que vous êtes homo, et que votre père finirait bien par le savoir si la nouvelle se répandait (en effet, côté discrêtion, y a mieux...). Surtout que ce short déjà serré n'en avait vraiment pas besoin
Peut-être par provocation... je sais pas en fait. Puis... non, après tout, c'est joli et ça allait très bien avec mes fringues !
Puis je l'avais déjà mise dans de telles circonstances sans que ça fasse des émules.
La réaction cette fois, ne se fit pas attendre. A peine arrivée, je fais la bise à presque tout le monde, dont à une de mes cousines les plus proches. Celle-ci me regarde fixement en souriant légèrement, plutôt en fait, elle regarde ma ceinture, pendant qques secondes, semble hésiter et me lance : "Attends tu sais que si tu te promènes avec ça à San Francisco, t'es sûre de te faire draguer par une femme ..." (ils sont allés en voyage là bas il y a qques temps).
Un ami m'aurait dit ça, j'aurais répondu par une vanne du style ambigu, j'adore (non non, j'suis pas maso) habituellement ce genre de situation pour faire un co sur un coup de tête.
Mais là, c'était très différent. Mon père n'était pas dans les parages, mais en instant une seule pensée me vint à l'esprit : "j'peux pas tant qu'il sait pas".
C'est vrai, comment faire un co à plein de gens à la fois (ben oui, y avait du monde autour...) sans le faire à son propre père ? Comment le laisser à l'écart et faire comme si de rien n'était alors que la majorité de la famille est au courant ?
Ca me semblait vraiment trop doûteux.
Alors, comme une conne, je me suis contentée de répondre "ah ouais ?" en m'esclaffant (ben oué, j'ai toujours le chic pour me mettre à rigoler qd je suis mal à l'aise, mais ce doit être vraiment très naze...).
Puis mon oncle (le père donc de cette même cousine) me demande alors : "nan sérieux tu savais pas ce que ça voulait dire ?"
Et j'ai répondu que non, tout simplement. Mon oncle raconta alors l'histoire d'un ami à lui qui avait mis un t-shirt rainbow et qui s'était fait mâter par des mecs sans comprendre pourquoi. Puis là j'ai du vraiment paraître de plus en plus mal à l'aise (à cause du fait sans doûte que ça durait en longueur), à tel point que je n'ai plus rien dit par la suite pendant un certain temps. Puis quand on vous lance ensuite : "oué c'est le symbole des pédés... enfin des gays quoi... d'ailleurs ça se dit aussi pour les les filles "gays" ?" j'ai répondu que je pensais que non, puis j'ai attendu sagement qu'il passe à autre chose sans argumenter sur le sujet.
On s'installa ensuite pour manger. Ma cousine était assise juste en face de moi.
Je ne sais pas si c'est moi qui suis devenue parano ou quoi, mais elle me sembla vraiment distante. On a pourtant l'habitude de discuter à batons rompus, et à chaque fois que je la branchais sur un sujet, elle se contentait de répondre et ensuite ne m'adressait plus la parole.
Il est évident qu'elle se doûte de quelque chose depuis déjà assez longtemps. Elle m'avait déjà fait des allusions sans équivoque sur le sujet, comme si de rien n'était.
De plus, sa mère (qui paraît il avait eu une "période lesbienne") avait même dit à ma mère que "si j'aimais les filles, l'important c'est d'aimer" un jour où le sujet tournait autour du fait que je n'avais aucun petit copain depuis des lustres...
En gros, il est clair que la plupart ont de gros doûtes, il faut dire aussi que je ne suis pas d'une nature super discrête. Je ne montre pas un intérêt extraordinaire pour les mecs, et forcément qd on me branche là dessus, je ne dois pas avoir l'air très enjouée. Je me force à faire semblant, mais ce ne doit pas être très naturel... Mon look plutôt garçonne doit aussi contribuer à se poser des questions. Bien-sûr, vous allez dire que certaines hétérottes font de même et que cela ne "veut rien dire", mais il y a des limites... Et à celà on rajoute un enthousiasme sans demi-mesure à argumenter sur la beauté de certaines filles et une ceinture rainbow, et on a tous les ingrédients nécessaire pour la tarte à la rumeur.
Bref, si vous préférez, c'est gros comme une maison.
Voyant l'ambiance qu'il y avait, je suis partie m'isoler dans la forêt pendant un petit quart d'heure. J'avais besoin de m'aérer. Et là j'ai beaucoup réfléchi. Sur mon attitude, mes mensonges. Sur notre image.
Je me suis vraiment sentie prise entre deux feux. D'un côté toute cette famille qui semble savoir et de l'autre mon père à qui un co me paraissait impossilbe.
Je me suis rendue compte que je me cachais complètement. Alors oui, aujourd'hui je dis m'assumer, ne pas avoir honte, être bien dans ma peau, et pourtant, j'ai réalisé que j'avais encore peur d'être ce que je suis. Peur du regard que mes proches peuvent avoir. Peur de ne pas être ce que l'on attend de moi. Ca me sembla insoluble. J'eûs l'impression que rien ne changerait avant un bon bout de temps. Un an... ça fait déjà un an que je vis dans le mensonge le plus opaque ! Les gens avec qui je suis proches ne mériteraient-ils pas la vérité ? Ne mériteraient-ils pas de me connaître réellement ? Jusque là j'ai toujours considéré que ça ne regardait que moi, après tout. Mais ce jour-là, seule au milieu de nulle part je me suis sentie lâche. J'aurais voulu que le monde soit autrement, peut-être, et pouvoir affirmer sans crainte qui je suis, mais je ne pouvais pas. Ce jour là j'aurais vraiment voulu être hétéro et parler de mon nouveau petit copain.
Alors j'en ai pleuré. J'ai rien trouvé de mieux à faire, je me sentais frustrée et c'était mon seul moyen d'évacuer un peu.
Quand je suis revenue vers ma famille, je suis allée m'occuper de ma nièce et de mes petites cousines. Je ne voulais pas qu'on me voit dans cet état (forcément, ça devait se voir...). Les enfants, eux, sont si inocents. Ils n'ont pas de préjugés, ils n'ont pas à se faire du souci. Les voir si joyeuses et si gentilles, ça m'a un peu redonné le moral. Tout ce que j'espérais en les voyant, c'est qu'elles n'auraient jamais à connaître ça.
Ma mère est venue me rejoindre un peu plus tard. Une mère ça devine tout et surtout ça comprend tout. Elle a bien senti que qque chose n'allait pas, et elle est venue me parler. Je ne lui ai pas parlé de ce que m'avait dit ma cousine et mon oncle, je lui ai seulement dit que j'en avais marre de me cacher aux yeux de papa mais que je n'arriverai pas à le lui dire. Alors j'eûs encore une surprise de taille. Elle me confia que papa lui avait dit récemment qu'il me trouvait bizarre, qu'il avait l'impression que qque chose n'allait pas... en fait il lui a dit qu'il avait l'impression que "je n'aimais pas beaucoup les garçons". C'est visiblement l'expression qu'il a employée. Je devais être à moitié assomée par cette révélation et en fait je crois que j'ai pas tout saisi. En fait, il lui a dit qu'il n'osait pas m'en parler, parce qu'il dit souvent des choses qui n'expriment pas le fond de sa pensée et qui peuvent vexer. Puis il faut savoir que mon père et moi avons un peu les mêmes défauts, et que ça pète parfois, surtout lors de discussions délicates. Souvent je me braque contre lui. Pas parce que je ne l'aime pas, mais c'est comme ça.
Récemment lors d'une de nos légendaires disputes, je lui ai repproché de ne pas être assez ouvert d'esprit pour me comprendre. En fait, je lui repprochais depuis un moment une attitude qu'il n'avait même pas encore eue. Cela car il est très homophobe et qu'il a déjà dit des tas de trucs très blessants sur les homos. Mais rien à mon égard (normal, j'suis censée être hétéro...). Voilà pourquoi je me suis braquée. Et j'ai eu tort. Je suis souvent trop dure avec des gens qui ne le méritent pas. Ce que m'a ensuite dit ma mère m'a confirmé que je m'étais trompée. Il lui a dit qu'il m'aimerait toujours, quelle que soit ma sexualité, qu'il s'y ferait même si ce serait dur.
Et dire que j'avais peur qu'il me foute à la porte en moins de deux ou qu'il me traite de perverse... Par réflexe d'autodéfense je m'étais bloquée.
Ce que j'appris me bouleversa. Je ne voyais pas d'issue et ça me redonna vraiment espoir.
Je ne me sens pas encore de lui faire un co (allez savoir pourquoi, mais je ne suis pas encore prête), mais maintenant je l'envisage.
Voilà comment des parents homophobes peuvent changer et se remettre en question. Ah, je leur en aurais causé du tracas, je leur ai fait la vie dure avec ça, et vraiment ils sont géniaux, je pensais pas autant !
J'ai vraiment de la chance !
Faudra que je pense à les remercier !
