Bon depuis que je suis inscrit ici j'ai pas franchement été très loquace, mais là j'ai senti un besoin de me confier, même si c'est pas vraiment dans ma nature.
Bon je vais vous passer les détails de mon enfance mais en gros je n'ai aucun souvenirs de mes parents, depuis l'age de 5ans je passe d'une famille d'accueil à une autre, je ne suis jamais resté dans la même plus de 3ans, parfois a cause de moi, parfois à cause d'eux. La seule famille avec qui ca se soit très bien passé s'est occupée de moi de mes 14 à 16ans, c'était génial, je m'entendais super bien avec eux et avec leur fille qui avait 2ans de plus que moi, et que j'aimais considérer comme ma sœur.
Les choses de la vie arrivant quand elles arrivent, leur fille est décédée un 12 février. D'un commun accord, je suis parti. C'était à la fois très dur pour moi de rester dans la maison de la seule personne qui s'approchait le plus d'une famille une fois qu'elle était partie, et les parents avaient besoin de se retrouver entre eux, même s'ils m'aimaient de tout leur cœur.
Malgré ça nous sommes restés en contact, même si ma vie de nomade a fait que nous nous voyons en face à face très rarement. Je leur donne très souvent des nouvelles mais je ne leur ai jamais dit que j'étais homo... non pas que je n'osais pas, mais je n'en ai jamais senti le besoin.
Ce Week-End je suis allé chez eux, ca faisait 2ans qu'on ne s'était pas vus, et les retrouvailles étaient plus que chaleureuses, la mère en a même pleuré. Le dimanche soir, à table, une fois le sujet de la vie privée abordée, je leur ai annoncé que j'étais pédé. J'ai dit ça sans détours, ils m'ont demandé si malgré mes escapades, j'arrivais à me trouver une fille, et je leur ai dit que non, je ne construisais rien de sérieux, mais que j'avais de belles histoires qui duraient le temps que je restais dans la ville où je me trouvais, et que d'ailleurs ce n'étaient pas avec des filles, mais avec des garçons majoritairement.
Je n'avais pas réfléchi a comment leur dire, je ne me cache à personne depuis mes 20ans, je n'ai jamais mis les formes cérémoniales dans aucun CO, et même si ce sont les gens qui, pour moi, se rapprochent le plus de la définition des parents, je ne pensais pas qu'au sujet du coming out, je devais les considérer comme tel.
La mère a posé sa fourchette, le père a quitté la table, je n'avais pas conscience que ca pouvait les affecter à ce point. Une fois l'onde de choc atténuée, la mère a tenté de sourire, m'a dit de ne pas faire attention à son mari, puis m'a montré un album photo. Dans cet album il y avait plein de photos de Juliette, leur fille, et un nombre que je ne soupçonnait pas de photos de moi. Elle m'a dit qu'ils étaient sûrs que moi et Juliette étions amoureux, l'amour fraternel que je lui portais leur paraissait comme de l'amour tout court, j'ai eu mal au ventre et envie de vomir, et puis j'ai simplement pleuré.
Après un calin avec la mère, le temps que je me calme et qu'elle puisse m'affirmer à quel point je comptais pour elle, je suis allé voir le père. Il était sur la terrasse, il buvait une bière et commençait à se rouler un joint. J'en avait deja fumé avec lui quand j'étais allé les voir il y a quelques années, mais là ses mains tremblaient, il déchirait la feuille en tassant le tabac. Je lui ai prit le tout des mains, je l'ai roulé pour lui sans échanger ni un mot ni un regard. Je l'ai allumé et lui ai tendu.
Après quelques lattes il me l'a rendu en me disant qu'il ne comprenait pas. Il a essayé de commencer tout un tas de phrases sans les finir, sentant sûrement qu'elles seraient remplies de clichés
- Mais pourquoi tu...
- Mais pourtant tu...
- A te voir tu...
- Et tu n'as jamais...
Je lui ai dit à quel point j'aimais ma vie, que c'était en partie grâce à eux, et que ca ne devait pas le choquer.
Il m'a regardé d'un air hagard ''Choqué ? Mais je suis pas choqué ! Je suis inquiet c'est tout'' qu'il m'a dit. Il s'en est suivi une grande discussion, avec pas mal de clichés que j'ai du combattre... sur le HIV, sur l'homophobie dans les pays que je visite, sur le fait de ne jamais pouvoir fonder de famille, sur les viols... ce genre de clichés auraient pu m'enerver dans un autre contexte mais la j'ai pris le temps de tout lui expliquer avec le sourire, ça à duré longtemps, le temps de descendre 3 bières chacun et de fumer 2 autre spliffs pour être précis.
Il m'a avoué qu'il trouvait ça bizarre... bien sûr il n'avait rien contre les homos, il est pour le mariage pour tous et tout, mais là comme ça, il ne savait pas comment réagir.
Le lendemain j'ai eu du pain perdu au petit dej, comme quand j'avais 15ans le dimanche, des sourires, des embrassades, des promesses de se revoir vite... je n'irai pas jusqu'à dire que l'ambiance était totalement détendue, mais au moins elle était chaleureuse. Là je suis reparti, je leur laisse quelques jours et je les appellerai pour savoir comment il vont. Mais on peut dire que tout ça se termine plutôt bien, très bien même.
Cette histoire m'a fait énormément réfléchir. Je change de ville voire de pays tous les 6mois, j'ai des amis partout mais aucune attache, je suis hyper sociable mais encore plus secret... tous mes actes je les fait pour moi, mon épanouissement, et j'ai beau faire partie du top 10 des mecs les plus serviables et les plus dévoués de cette partie de la terre, je n'ai jamais fait passer personne avant moi en ce qui concerne une décision importante sur ma vie... et j'ai toujours vu le coming out comme un acte personnel, ''I'm Gay, deal with it or fuck off'' je suis pédé comme j'aime le pain perdu, pas besoin d'en faire une affaire... je n'avais jamais réalisé que tout l'entourage doit vivre aussi avec ce coming out... bien sur, de manière indirecte et au final c'est nous qui sommes le plus touché mais quand meme, les parents doivent s'outer en quelque sorte eux aussi. ''Non mon fils ne s'est pas trouvé une copine, il a un copain'' ou même certains amis qui finissent par s'engueuler avec d'autres amis parce qu'ils font trop de blague sur les pédés et qu'ayant leur meilleur ami homo, ne peuvent plus passer outre ces blagues faciles.
J'ai toujours vécu sans attaches, a faire ma vie et a profiter au maximum des gens quand j'étais avec eux, et je viens juste de piger que notre vie, influence celle des autres à un point qu'on n'imagine pas. Et que des choses que je pensais personnelles, le sont au final bien moins par la définition même de l'amitié et de la famille.
Tout ça vient juste de se passer et je ne fait qu'y penser, je n'arrive pas à trouver le sommeil... espérons que cette logorrhée imbuvable m'aidera au moins a dormir.
Je viens de me confier plus en une heure que n'importe quand depuis ma naissance, je me sens bizarre et un peu vide. Mais ça fait du bien
Donc merci à ceux qui m'auront lu, je ne connais le visage d'aucun d'entre vous et pourtant je viens de faire un truc que je ne fais jamais.
Kiss, besos, polikby
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