Je suis allée au musée Rodin hier, en même temps que plein de touristes en baskets-chaussettes américains.
Cette visite m'a permis de découvrir la fonction de praticien : je m'imaginais naïvement que Rodin était le seul et unique faiseur de ces sculptures. Non, ils donnaient ses instructions et faisaient bosser ses élèves (j'en déduis cela). Bref, de très rares sculptures ont pour auteur Rodin lui-même.
Les premières sculptures ont été pour moi l'occasion de prendre conscience que d'un bloc de marbre peut naître la délicatesse extrême d'un poignet, d'une nuque féminine. Je sentais chaque grain de peau, je pouvais sentir aussi la douceur de la caresse de la main, la légèreté d'un geste. A chaque instant je m'attendais à voir bouger un doigt, se lever un bras, les corps se relever. Ces corps tout simplement recouverts de farine auraient repris vie et nous auraient à leur tour inspecter sous tous les angles. Je me suis retrouvée à scruter pendant de longues minutes le bout des doigts de ces sculptures. Absolument fascinée par l'arrondi et la douceur (oui encore) de ces membres pourtant taillés dans le roc. Je tournais autour des corps, m'accroupissais pour entrevoir d'autres perspectives. JE ne voulais rater aucun muscle, aucun geste, aucun détail.
Puis nous sommes arrivés dans le jardin où une voix venant de nul part chantait et riait. Nous avons fini par comprendre que des hauts parleurs se cachaient dans les arbres. Je me suis approchée d'un, j'ai collé mon visage sur ses feuilles et la voix s'est mise à éclater de rire. L'un des meilleurs moments de la journée, car éclat de rire général.
Découverte de néophyte également : je ne savais pas que Rodin avait peint. Je ne me suis pas attardée sur les tableaux, préférant me concentrer sur ses autres travaux.
Dans le jardin, passage obligé devant le penseur (qui apparaît de nouveau plus loin lors de la visite, dans sa taille originale, bien plus petite).
Ah, petit détail mais qui a son importance : les photos sont strictement interdites en ces lieux. Et de temps en temps, des touristes voulaient déjouer la surveillance des gardes postés un peu partout. Ces mêmes gardes donnaient alors de la voix et ne prennaient pas la peine de venir voir le fraudeur. D'un bout à l'autre de la salle, "les photos sont interdites !!"
Voilà, ce qui peut passablement perturber la contemplation quasiment religieuse des oeuvres.
Les visites se font dans les murs et dans les jardins, dans lesquels il était très égréable de déambuler.
Une oeuvre, ou plutôt son titre nous a interpellé : il s'agit de "La cathédrale", dont voici une représentation : http://www.musee-rodin.fr/fr/collection ... cathedrale et par la même occasion, l'explication que je cherchais (et deux mains droites ! Nous n'avions pas remarqué ce "détail") ! Nous ne comprenions pas pourquoi l'auteur l'avait baptisée ainsi. Et à la lecture de cet article, je comprends bien mieux pourquoi ces corps me paraissaient si légers, si réels.
Celle ci a été une parenthèse dans la journée, seule à la contempler. Le poids de la tête, la lourdeur de la chevelure, la musculature, les plis du corps m'ont subjugués.
Cette visite fut la première d'une longue série, je l'espère.
