J’ai enfin vu aujourd’hui ce film totalement bouleversant que je voulais voir depuis des années.
Gros coup de cœur.
L’homme a-t-il le droit de vie ou de mort sur sa propre vie?
Voilà la question que pose ce film, ce qui évident revient à questionner les domaines éthique, juridique et religieux.
Avec en plus un thême fortement polémique : l'euthanasie.
Ramon, tétraplégique depuis un accident de jeunesse demande le droit à l’euthanasie, il vit avec sa famille dont il est dépendant, capable de mouvoir uniquement sa tête et son cou.
En possession de toutes ses facultés mentales, il mène son combat depuis 28 ans (la date de son accident) pour obtenir le droit de nourrir avec l’appui d’une association et de son avocate, et le soutien de sa mère et de son neveu ravi qu‘il considère comme un fils.
En revanche son père et son frère aîné s’opposent fermement à sa volonté, ne supportant pas qu’un de leur proche veuille nourrir, considérant que dans la mesure ou ils font tout leur possible pour lui, Ramon n’a pas le droit de leur faire ça. Ces différentes attitudes des proches renforcent d’ailleurs l’effet du réalisme du film.
Évidemment on en vient à s’interroger sur notre propre attitude dans le cas ou l’on se trouverait à la place des proches.
En ce qui me concerne j’ai la réponse : j’aiderais certainement la personne à mourir même si c’est difficile de se dire qu’on va faire disparaître un être cher, je préfère ça à voir cette personne enfermée dans son corps à vie et réduit à l’état d’objet inerte.
Car contrairement à ce que dit un prêtre (également tétraplégique) à Ramon, la vie c’est aussi l’action : marcher, courrir, toucher, sentir.
On parle d’ailleurs « d’élan vital » ce qui suggère bien une idée de mouvement et de l'importance du corps, la réduction de la vie à la spiritualité est absurde.
Le corps qui doit être un facteur de liberté (permet le déplacement, d’accomplir des actions.) devient pour le protagoniste une prison, à partir de là, cela devient un non sens de s’opposer à sa demande. Le prêtre tétraplégique use évidemment d’argument religieux comme quoi Ramon n’a pas de droit sur sa vie car elle ne lui appartient pas, elle est le fait de Dieu et donc sa propriété…bref le discours ecclésiastique habituel.
A noter que cette scène de discussion est superbe, satirique, à la fois drôle et terrible : les deux hommes se parlent de façon interposé par un des jeunes moines qui assistent le prêtre handicapé, celui-ci fait le trajet entre les deux hommes et leur sert d’intermediaire et Ramon raille le dévot de façon extrêmement Nietzschéenne, ironisant à mort tout ses propos et usant à cœur joie d’un jouissif et franc cynisme. Encore une fois à plusieurs moments du film on voit que l’humour sauve tout.
Après avoir débité ses faibles et pitoyables arguments, le prêtre sera finalement gentiment éconduit sur cette phrase de la mère de Ramon qui la fait définitivement basculer du côté de son fils « Je ne sais pas lequel de vous deux a raison, mais tout ce que je sais, c’est que vous, vous avez la langue bien pendue »
Le comportement de Ramon est admirable : il organise toute la procédure de sa démarche, s’assure que les gens qui l’aident n’auront pas de procès, apporte un franc soutien moral à ceux qui l’aiment sans jamais leur laisser d'autorité sur sa décision.
L’absence de jugement moral est un autre aspect admirable du film. Amenabar se contente de nous plonger dans la situation de cet homme, toutefois incontestablement convaincant et attachant, duquel il nous faire partager la vie et les émotions, invitant le spectateur à se mettre complètement à sa place, à partir de quoi, il le laisse libre de choisir son camp.
Enfin le film tend aussi à montrer que le deuil est « au cœur même de la vie »
Ramon est un philosophe, il aborde la mort avec une sérénité bluffante mais néanmoins lucide. Il ne cesse de ramener les gens qui s’inquiètent de sa mort à leur propre existence et à leur propre démons, il a presque un rôle libérateur pour ces gens lui qui est pourtant privé de sa liberté.
Il peut toutefois à la façon Sartrienne être libre par la force de son esprit et cela aussi est magnifiquement rendue à l’écran avec beauté et lyrisme avec ces vols au dessus de la végétation et de la mer, le tout calqué sur une bande originale superbe.
Une oeuvre d'une beauté et d'une justesse rare, à voir de toute urgence si ce n’est pas déjà fait.
t'es champion dans ton genre quand même. 
