Ecrire, une chose si difficile.

[Avital.Ronell]

J'ai vu que beaucoup d'entre vous écrivait des nouvelles voir même des choses plus conséquentes.
J'ai plusieurs amis qui écrivent pour leur loisir et je trouve ça réellement difficile en ce qui me concerne, je suis toujours admirative des gens qui arrive à sortir des histoires de leur tête et à les coucher sur le papier.
J'aurais voulu avoir des petits conseils pour s'y mettre car ça m'attire pas mal et j'aimerais également vos témoignages.
Précisez depuis quel âge vous écrivez et quel genre.

[Eilraet]

Ben en fait y a pas de secret, que de la pratique. Je suppose que ça énerve assez fortement les gens qui dessinent quand quelqu'un leur dit "ah moi j'aurais bien aimé, mais j'avais pas le don", parce que savoir dessiner c'est quand même avant tout du travail.

Pour l'écriture c'est exactement la même chose, je sais que je n'ai jamais pratiqué d'exercice particulier (par contre j'ai quand même suivi mes cours de français au collège lycée, donc je sais à peu près ce que je fais, mais être capable de mettre un nom sur les effets de style n'est pas indispensable), par contre j'ai vu une sacré différence entre mes premiers textes, mes textes au beau milieu de ma grosse période d'écriture, et mes textes de maintenant quand j'essaye de m'y remettre (bon faut dire que là ça y est, la machine est pas trop mal relancée , j'ai enfin fini un texte \o/).

Et c'est normal de ne pas aimer ce qu'on fait, je sais que je ne réussi jamais un texte du premier jet, par exemple celui que je viens de finir je l'ai corrigé une bonne vingtaine de fois avant de décider de tout réécrire (je repartais pas de zéro, je reprenais les paragraphes un à un et je les réécrivais en conservant ce qui me convenait). C'est d'ailleurs en te relisant que tu verras ce qui marche, si tu as bien réussi à retranscrire l'ambiance que tu cherchais à rendre, si ton texte est homogène (parce qu'on écrit rarement 50 pages d'affilée, et l'humeur se ressent un peu dans le style). La relecture est donc la première étape, et la seconde est la critique, au bout d'un moment il ne faut pas hésiter à soumettre son texte à d'autres personnes, sortir son bouclier, encaisser les remarques un peu rudes (je sais que je suis très sévère dans mes critiques, parce que je cherche systématiquement ce qui peut être amélioré, donc je cherche la petite bête ). Une fois la critique dans la poche tu peux repartir de plus belle, inconsciemment à force les remarques se seront ancrée dans ta tête et tu éviteras les pièges.

A ta plume donc

[Manchette]

Lire, énormément : notamment pour se confronter au style des auteurs. Cela veut donc dire réfléchir à ce que l'on lit, les descriptions, les choix narratifs (monologue, narrateur omniscient, etc.). Ne pas se limiter aux romans pour autant : la narration et surtout la structuration que l'on trouve dans les essais n'est pas à mésestimer : une intrigue réussie est aussi une narration maîtrisée.

Ne pas hésiter à opter pour plusieurs approches narratives d'une histoire : ça aide à écrire.

[Avital.Ronell]

Merci à vous deux, j'ai tendance à me perdre dans la description et du coup je trouve que ça ne donne pas envie de lire, alors que je tombe parfois sur des petites nouvelles, courtes et efficaces dont l'intrigue se déroule de manière fluide comme un rouleau de réglisse. C'est ce genre de choses que l'on a envie de lire lorsque l'on cherche des sites de novellistes amateurs il me semble.

[Manchette]

Le polar peut être une bonne école d'écriture : Dashiell Hammett ou Horace McCoy sont de parfaits exemples d'auteurs de talent, capables d'écrire sans s'égarer. Même chose avec Fictions de Borges : écriture plutôt cérébrale et sèche, mais concise en diable.
Tu peux aussi essayer de lire Des enfers fabuleux d'Antoine Volodine (et ses 3 autres romans parus chez Denoël, pas Gallimard, attention, ainsi que Lisbonne dernière marge) : histoires complètement barrées, narrations à l'avenant. Une vraie leçon d'écriture libre.

[Eilraet]

Le polar peut être une bonne école d'écriture

En lecture très certainement (je laisse Manchette te conseiller en bouquin, je ne lis plus assez à mon goût ^^"). Par contre au niveau de l'écriture je te conseille plutôt de te frotter à plusieurs genres, et plusieurs styles d'écritures. Un coup du fantastique, un coup du polar, un coup du romantique. Il y a aussi le registre à faire varier, approche plutôt comique, sentimentale etc ... Enfin frotte toi à plusieurs types de narration (par exemple écrire au présent ou au passé sont deux choses très différentes), en prenant parfois le rôle d'un personnage, parfois le rôle d'un narrateur extérieur, omniscient ou pas. Le but du jeu est de te constituer une palette d'outil adaptés à ce que tu veux faire passer.

Et je confirme que lire peut être une bonne idée, c'était d'ailleurs pour ça que j'ai parlé du français, parce qu'on n'étudie pas spontanément les figures de styles et autres caractéristiques. Donc si tu n'as personne pour t'aider force toi un peu

[Avital.Ronell]

En fait j'aimerais écrire à la façon de Marguerite Duras, je me sens très proche de sa façon d'écrire, ça peut paraître prétentieux mais depuis que je la lis, je bloque souvent sur des passages en me disant que j'aurais pu écrire exactement la même chose.
Mais bon...je trouve ça stupide de vouloir copier un auteur, il faut développer son propre style.
Donc comme je commence tout juste à 21 ans à vraiment écrire sans m'inspirer de rien, on dirait les écrits d'un enfant de 12 ans^^
mais bon...je suis bien décidée à finir la nouvelle que j'ai commencé il y a quelques jours, c'est laborieux, je bloque souvent mais au moins je pourrais dire que j'ai écris une nouvelle dans ma vie même si elle est complètement merdique et puérile, l'écriture ressemble à la séduction d'ailleurs, j'en ai parfois marre d'être dans les prémisses, ici la description, le developpement, la matière...
En plus je ne comprend pas mes choix, l'intrigue se déroule dans le vignoble, une exploitation viticole alors que jamais dans ma vie je ne me suis trouvée dans un tel contexte, et je n'ai pas non plus un goût prononcé pour le vin...c'est très étrange l'inconscient.

Sinon Horace Mac Coy, je n'ai lu qu'un seul livre de lui : On achève bien les chevaux. Je n'ai pas tellement aimé sauf que ça m'a rappellé certaines choses de mon existence...mais c'est pas le genre que j'aime.
Stephen King est un bon novelliste aussi tiens.

[Maxouh]

Je ne suis pas réellement spécialiste en matière d'écriture de n'importe quel genre, mais disons que j'ai à rédiger des actualités, à travailler des articles pour divers sites Web, j'ai également travaillé les nouvelles de manière très approfondie, mais également le théâtre et le roman porté sur des thèmes austères et plutôt inconfortables. J'estime pouvoir te donner quelques conseils pour ta nouvelle en cours de rédaction. D'une part, il faut savoir que le style de la nouvelle est très particulier, et ne s'apprend pas n'importe comment. Je reprendrais ainsi les conseils qui t'ont été apporté précédemment, il faut lire et analyser de manière attentive des nouvelles. J'ai beaucoup aimé Dino Buzzati avec Le K qui m'a finalement beaucoup apporté, et qui constitue l'une de mes premières sources d'inspiration. Il faut également se porter sur des contemporains, notamment Hervé Le Tellier avec Quelques mousquetaires. Pourquoi Le Tellier plutôt qu'un autre ? Son appartenance à l'OuLiPo rend extrêmement intéressant ses nouvelles, et lui permet de développer un style particulier qui apporte beaucoup en matière de rédaction de nouvelles.

Ce qu'il faut savoir à propos de la nouvelle, c'est avant tout son caractère concis et direct. Il ne faut pas qu'elle soit trop longue, ni trop courte, trouver un juste milieux est chose plutôt hasardeuse dont la recherche ne se base que sur le travail. Mais ce n'est pas tout, ayant participé à une sorte de mini-conférence (on devait être 30 privilégiés) de monsieur Le Tellier, son conseil le plus flagrant était selon ses mots "Trois grands chocs" ponctuent la nouvelle. Il faut y voir comme une sorte d'écrit à trois rebondissements extrêmement perturbant pour le lecteur, voire même carrément choquant. Ce sont ces petits détails qui charment le lecteur et l'entraîne au fil de la nouvelle, et dans une conception plus grande, le conduise le long du fil conducteur d'une réunion de nouvelles. As-tu fais cet effort de chercher des moyens de tout renverser ? Il ne faut pas avoir peur de tout envoyer en l'air, c'est ce qu'il faut garder à l'esprit, de tels rebondissements ne doivent qu'étonner le lecteur. Le risque étant de rendre une nouvelle totalement incompréhensible et imperméable à l'analyse des lecteurs qui ne connaissent pas ce que tu pensais en écrivant cela, il faut donc manipuler ces rebondissements pour les aligner sur une histoire compréhensible. Il faut maîtriser les trois grands chocs pour ne pas rendre un chaos le plus total, et c'est encore la chose la plus complexe dans une nouvelle.

Garder un dynamisme, maintenir l'intérêt, ne pas s'éterniser et garder à l'esprit que rien ne s'obtient sans travail, malgré les dispositions innées de certain à des capacités de rédaction. Pour rendre plus attrayant ta nouvelle, tu peux également jouer sur les mots, adopter un lexique particulier, te cantonner à des limites que tu t'impose (n'utiliser aucun autre verbe que ceux appartenant au lexique floral, par exemple) n'hésite pas non plus à prononcer tes phrases à voix haute pour vérifier l'harmonie, la légèreté... Sans pour autant en arriver au Flaubert qui criait dans son jardin, et condensait trois pages en six lignes.

Bon courage, et je reste à ta disposition pour tes questions futures.

[Points.de.suspension]

J'écrivais beaucoup quand j'étais au collège. Arrivée au lycée, j'ai eu internet et j'ai beaucoup moins écrit. Ma dernière nouvelle date d'il y a deux ans je crois, de ma terminale (j'écrivais parce que je m'ennuyais pendant mon cours d'allemand). Je n'arrive plus à écrire pour plusieurs raisons.

La première, c'est que je m'éparpille souvent. A moins d'être à un bureau avec un papier et un crayon, je fais toujours autre chose en même temps que j'écris (si c'est sur mon ordinateur, par exemple). Et même à mon bureau, je suis très facilement distraite.

La seconde, c'est parce que j'ai sans doute trouvé d'autres modes d'expression, et que j'écris autre chose que des nouvelles (à savoir : ma vie sur un blog, quand l'envie me prend, ce qui est rare, des mails, des trucs inutiles sur le forum...).

La troisième : la paresse et la difficulté de l'exercice. Ce n'est pas facile, d'écrire. Ça demande de la concentration et du temps. De la variété dans le style, le choix des mots. De la précision. C'est tellement difficile de se renouveler. D'autres choses, plus accessibles pour moi (la musique, par exemple) finissent par attirer mon attention.

La quatrième... euh, je ne sais plus. L'inspiration, sans doute. Tout doit-il sortir de son imagination ? C'est variable, selon les auteurs. Certains créent des récits de purs fictions, d'autres mettent beaucoup d'eux-mêmes dans leurs écrits. Et je n'aime pas ce qui ressort quand je parle de moi-même ou m'en inspire. Et je ne sais plus inventer, je n'ai plus d'idées, j'ai l'impression de toujours écrire de la même manière, les mêmes formulations, les mêmes idées, les mêmes scénarios niais. Pourtant, j'ai relu quelques textes, les plus récents doivent dater d'un an, en fait, à peu près. Ce n'était pas si mal. J'ai essayé d'en continuer, mais les mots ne venaient pas. Avant, ils coulaient de source, maintenant je suis bloquée, la source s'est tarie alors je n'y arrive pas et je n'ai plus envie.

Enfin tout ça c'est ma vie... Je pense que la lecture, c'est primordial, quand on veut écrire (d'ailleurs, je lis de moins en moins...). Et puis s'entraîner, encore et encore, et remanier. Se fixer des cadres, de relatives contraintes. Faire des exercices. Je repense à certains - rares - cours lors desquels on devait inventer des histoires... j'adorais ça ! Et mes profs étaient unanimes : j'étais douée. Ma prof de français de seconde était très admirative, je crois (elle m'avait fait participer à un concours de nouvelles assez connu, j'avais été deuxième de ma région, il y avait eu un article dans le journal, et elle avait fait applaudir toute la classe )... enfin c'était mon truc, l'écriture. Et puis ça a disparu, petit à petit. Le seuls trucs que j'écris toujours, ce sont des chansons... en anglais, la plupart du temps. Mais je suis de plus en plus exigeante avec moi-même et difficilement satisfaite. Ça, associé à la paresse, ça ne donne pas grand-chose de bon.

Bref, je parle une nouvelle fois de mon expérience... Je rejoins l'avis et les conseils de Maxouh : du travail, et une certaine structure à respecter pour écrire des nouvelles. Ne pas copier le style des autres, non plus, même si c'est tentant et qu'inconsciemment, l'influence de tes auteurs favoris apparaît dans tes textes. Une certaine originalité. La surprise, le... roh, j'ai oublié le nom, est souvent une bonne fin. Mais pour trouver un dénouement qui laisse sur le c*l, il faut déjà y aller. Ça me fait penser à une nouvelle que j'avais lue au collège et que j'avais adoré. C'est assez connu je crois : Quand Angèle fut seule, de Pascal Mérigneau.

Ne pas oublier que l'écriture doit rester un plaisir, aussi... Et navrée pour le 3615 Mylife qui constitue 3/4 de mon intervention.

Edit -> Oups, j'avais pas vu que le sujet date d'il y a genre un mois...

[Eilraet]

@PdS : j'ai été dans ton cas de figure jusqu'à il y a peu. Après avoir beaucoup écrit à une certaine époque, j'étais plutôt habitué au fait de pouvoir faire ressentir des choses qui me passaient par la tête (bon en fait, dans les cas de mes premiers textes je le faisais très mal ). Donc pour à peu près les mêmes raisons que toi (internet, pas de temps, la flemme) j'ai fini par arrêter.

Mais il m'arrivait toujours d'avoir des poussées d'inspiration, une idée soudaine, qui éclairée d'une certaine manière me faisait voir un truc que je ne pouvais qu'exprimer qu'à travers un texte, qu'aucune phrase ne pouvait retranscrire seule. En gros il fallait que je construise autour de cette idée, que je la pose à l'écrit.
L'inspiration étant malheureusement capricieuse, cela m'arrivait toujours quand je n'étais pas dans la capacité d'écrire. Et une fois que je pouvais, n'ayant pas l'habitude de noter (je me dis à chaque fois que je m'en souviendrai), je bloquais devant ma page blanche.

Puis un jour j'ai eu le déclic, j'ai lu "The tales of Beedle the Bard" de JK Rowling, et je me suis imposé un exercice, écrire un conte, court, en anglais. L'idée était de ne pas lâcher la plume (littéralement, je me suis acheté une plume pour écrire en Hongrie), jusqu'à avoir posé le point final. Depuis j'ai du recorriger ce texte plusieurs fois, avant de me décider à le traduire en français tout en le remodelant complètement.
Toujours est il que la machine était relancée, entre mes nombreuses corrections, j'avais remis le pied dans quelques uns de mes (trop) nombreux textes inachevés. Et c'est bon je suis à nouveau capable d'écrire (même si je n'ai pas encore eu le temps d'avoir le recul nécessaire pour savoir si j'écris très mal ).