Acid-house + Techno vs Eurodance ou la confusion des genres

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Viridis
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Acid-house + Techno vs Eurodance ou la confusion des genres

Message par Viridis »

Qu’est-ce que la dance music ? Un vaste courant qui divise par son étiquette de musique facile, faite pour les disco-mobiles des camping quand elle n’est pas diffusée dans les stades de foot ? C’est plus compliqué que ça. Un bon morceau de dance music, c’est avant tout rendre accessible ce qui ne l’est pas, de donner la sensation à l’auditeur de découvrir quelque chose de neuf, d’excitant, à savoir les expérimentations réalisées quelques années plus tôt par l’illustres inconnus.

Malheureusement aujourd’hui, ce n’est plus possible pour plusieurs raisons. Depuis 15 ans, la dance-music ne fait que répéter les mêmes formules et les récupérations commerciales n'ont plus le même impact qu'avant. Ces dernières années, le r’n’b et le rap se vantent même de créer de nouvelles musiques sauf que cela a déjà été réalisé deux décennies plus tôt. Puis s’il faut retourner aux sources, «The message» de Grand master flash, l’un des premiers morceaux rap ayant utilisé les sons électroniques, date de 1983. Quatre ans plus tard, les Beatmasters étaient l'un des premiers groupes a mettre du rap dans leur dance-music.

Lorsque certains découvriront les morceaux référencés, ils pourront aussi répliquer en disant que certains morceaux issus du disco, du funk et de la new-wave, pour ne citer que ceux-là, étaient des bonnes récupérations commerciales... ou pas. Il est clair qu’on ne mettra pas au même niveau un morceau de Boney M aujourd’hui repris via un projet d’Armand van helden, qu’un morceau de Telex, l’un étant plus populaire que l’autre (inutile de préciser lequel).

Le but de ce topic est de s’arrêter sur une période précise où les expérimentations des années 80 changèrent la dance music par le biais de la technologie. L’histoire commence en été 1987 à Ibiza lorsque quelques DJ diffusèrent les premiers morceaux d’Acid house crées venant de Chicago. De retour de vacances, les anglais en firent un courant majeur qui se répandit à travers toute l’Europe, avant que les allemands ne s’inspirent de la Techno de Détroit et de leur EBM pour créer la leur, peu après la chute du mur de Berlin. Parallèlement, les maisons de disques en profitèrent pour mettre en avant leur propres avatars créant la confusion dans les charts de l’époque, avant que l’Eurodance n’écrase tout sur son passage, marquant ainsi la fin d’une période dite créative pour des morceaux du genre (pris au sens large) destinés au grand public.

En guise d’ouverture, j’ai choisi un morceau paru avant cette période mais qui a marqué par sa singularité et cousinage avec n’importe quel titre de house-music de la fin des années 80, Avec «Nineteen », Paul hardcastle s’est classé numéro 1 quand quelques pays et 15e en france en automne 1985 (grâce au featuring d’Yves Mourousi).

Bonne écoute.
Viridis
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Re: Acid-house + Techno vs Eurodance ou la confusion des gen

Message par Viridis »

Plantons un peu le contexte sonore. Nous sommes en automne 1987, le raz de marée est sensé commencer avec deux titres majeurs, composés majoritairement de samples. Alors que M/A/A/R/S nous propose de monter le volume, "Pain it full" d'Eric B & Rakim est probablement le premier morceau de "rap" qu’on ait pu entendre sur les ondes françaises.
La majeure partie des radios locales ayant été rachetées par Skyrock, Métropolis & co, ils n’étaient diffusées que lors d’émissions spécialement dédiées à la dance music, voir selon l’envie du programmateur si celui-ci osait sortir des titres les plus demandés au standard. Il faudra attendre quelques mois avant d’entendre des morceaux de ce style.

A l’époque, ce sont surtout les versions club des artistes pop qui se taillent la part du lion. Il est clair qu’en écoutant les versions longues de cette année-là, avec leurs boites mis en avant ... au pif, "Never can say goodbye" des Communards, "What I have done to deserve this ?" des Pet shop boys, ou "Behind the wheel" de Depeche mode, on peut remarquer que tout est en place pour que l’oreille de l’auditeur soit bien préparé aux bouleversements à venir.
En écoutant "Respectable" de Mel & Kim ou "Nothing’s gonna stop me now" de Samantha Fox, (produits le trio Stock Aitken et Waterman, plus commercial tu meurs), on peut constater que, même les artistes de pop jetable ont des versions club potables. Les artistes français ne dérogent pas à la règle, "Une autre histoire" de Gérard Blanc et "Le Jerk" de Thierry Hazard ont été remixés par Dimitri from Paris qui sera une décennie plus tard l’un des représentant d'une certaine house à la française.
Viridis
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Re: Acid-house + Techno vs Eurodance ou la confusion des gen

Message par Viridis »

Juin 1988. En découvrant pour la première fois "Theme from S-Express" à la radio, j’avoue que j’étais plus que sceptique. Ces sonorités me projetaient plus vers le disco que vers une musique du futur, ce qui n’allait pas avec ma démarche habituelle. Puis en réalisant qu’il s’agissait d’un morceau qui allait dans la continuité de Pump up the Volume, j’ai commencé à m’y intéresser de plus près. Le choc s’est surtout produit courant octobre en tombant sur "Jack to the sound of the underground" de Hit house, ça partait dans tous les sens mais j’étais loin de m’imaginer à quel point cela allait changer mon rapport à la musique. Suivront ensuite, "The only way is up" de Yazz ("Doctrin’ the house" produit par Coldcut étant passé inaperçu), "Big fun" d’Inner city, "Joint mix" de Flim flam, "Can you feet it" de Royal house, "The party" de Kraze ...

La proximité avec la belgique me fait découvrir des curiosité comme The maxx avec "Cocaïne" paru en même temps que "the Sound of C", le seul titre intéressant de Confetti’s. Inutile de chercher qui a copié l’autre, ça vient du même producteur qui aura même l’idée de dépoussiérer un vieux morceau de Rocco Granata. Les radios locales s’affolent au son de la New-beat pendant qu’Art of Noise reprend "Kiss" de Prince tandis que 101 se charge du "Rock to the beat" de Reese, projet de Kevin Saunderson (l’un des fondateurs de la techno de détroit, également à l’origine d’Inner city cité plus haut). Parfois, certains titre prêtent à sourire. Pendant que Scandale s’occupe des discours politiques, BSR de l’affaire "VDB" (un ministre belge de l’époque qui a été kidnappé), Jean-Paul Gaultier fait de la "House-couture", cherchez l’erreur. Mais lorsqu’on regarde le TOP 50 du 1er avril 1989, c’est à se demander si ces petites farces sont nettement plus sympathiques. Alors pour doper les ventes d’un "Acid Rock" ou d’un "Just a Techno groove", rien de tel qu’un groupe de danseurs dans une boite belge comme le mythique Cherry moon de Lokeren.
sandoval

Re: Acid-house + Techno vs Eurodance ou la confusion des gen

Message par sandoval »

Très intéressant tout ça...J'aime bien la manière dont tu présentes le tout, c'est bien pensé! :)
edogawa
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Re: Acid-house + Techno vs Eurodance ou la confusion des gen

Message par edogawa »

Oui tout pareil pour moi : c'est très intéressant, j'ai appris pas mal de choses (surtout que je connais peu ce style de musique). Il me reste qu'à écouter tout ça en profondeur (j'ai pas le temps en ce moment et ça me frustre!).
Viridis
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Re: Acid-house + Techno vs Eurodance ou la confusion des gen

Message par Viridis »

Content que cela te plaise. :D
Pour ce qui est du titre, c'est en rapport aux cassettes que je faisais à l'époque, il y avait du très bon comme du moins bon. Il faut savoir que pour les puristes de l'époque, "Can you feet it" de Royal house a une très bonne côte comparé au "Only way is up" de Yazz (c'est de la pop dance même si c'est mieux qu'un Kylie de l'époque). Si Todd Terry est à l'origine de ce titre, il a évidemment pompé l'emblématique featuring du "Can you feel it" de Larry heard qui est à l'origine d'un des slogans issus de l'Acid House : "Let there be house". :wink:
Edit : Pour Royal house, c'est bien "Can you party" :roll:
Etapiscium a écrit : (cette ressemblance pourrait être expliquée par quoi ? La volonté d'être accessible et de se faire connaitre, étant donné le rôle important des médias ? Les limites dans les connaissances et l'usage des synthés de l'époque ?)
C'est plus complexe que cela, faut dire que les charts Français ont toujours eu un temps de retard sur les autres par leur frilosité, sans compter que les titres ayant connu le plus de succès sont issus des majors très réactives. Pour ce qui est des médias, on ne peut que remercier l'audace des radios et des discothèques.

Ps : Ton livre de chevet, ce ne serait pas "Chroniques du Dance-floor" de Lestrade ?
edogawa
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Re: Acid-house + Techno vs Eurodance ou la confusion des gen

Message par edogawa »

Etapiscium a écrit :
C'est plus complexe que cela, faut dire que les charts Français ont toujours eu un temps de retard sur les autres par leur frilosité, sans compter que les titres ayant connu le plus de succès sont issus des majors très réactives. Pour ce qui est des médias, on ne peut que remercier l'audace des radios et des discothèques.

Ps : Ton livre de chevet, ce ne serait pas "Chroniques du Dance-floor" de Lestrade ?
Oui c'est bien ce livre ! Et j'aime bien son style d'écriture "percutant", très descriptif aussi. Il raconte d'ailleurs le protectionnisme et la résistance qui ont face à la diffusion et la compréhension de ces musiques.

Tout ça me donne envie de revenir sur plein d'autres musiques de l'époque, ou même de la disco :nerd:.

Au fait, pourquoi choisir une période qui va de 87 à 94 ?
Oui, il y a des merveilles en disco, j'ai d'ailleurs l'impression que c'est un peu la matrice de toutes ces musiques.
Un disque que j'adore tout particulièrement, c'est "24 -> 24 Music" de Dinosaur L (en fait Arthur Russell), une sorte de disco expérimentale qui ne perd nullement sa fonction première : ça donne immédiatement envie de bouger ses guiboles :

Go Bang!

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Viridis
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Re: Acid-house + Techno vs Eurodance ou la confusion des gen

Message par Viridis »

Etapiscium a écrit :Au fait, pourquoi choisir une période qui va de 87 à 94 ?
Parce qu'après, les exemples de confusion sont moins évidents, la dance commerciale étant nettement moins intéressante. C'est aussi une période ou la house et la techno originelle à part de rares exceptions n'ont pas la même couverture que les récupérations commerciales et où les morceaux sont presque similaires.

Je remets une pièce dans la machine à remonter le temps...

Incontestablement, 1989 est l’année du retour de la dance-music... du moins sur les ondes françaises car en terme de ventes rien n'a changé (ou presque), alors que le monde entier s’affole. Elle relègue au second plan les morceaux de pop music qui ont fait le bonheur des années 80‘s, de même qu’elle la réinvente. Si l’année débute sur "Superfly guy", le second single de S-Express, hallucinant réservoir à samples, elle se clôt sur des formats plus proches du traditionnel "couplet refrain", via les premiers titres étiquetés Hip-house mais aussi sur des titres plus gospel, plus lents comme le "Keep on movin’" de Soul II Soul.

Il existe cependant quelques titres précurseur comme le "We call it Aciiiiieeed" de D-Mob (cristallisant à jamais le smiley des années peace & love) et "Get Busy" de Mr Lee,. Il s’agit principalement de titres house contenant quelques couplets de rap. Surfant sur la vague, les Beatmasters enchainent les morceaux mais c’est surtout "Hey DJ / I can't dance (to that music you're playing)" qui marque les esprits par l’ajout d’un refrain chanté.
Au même moment, Manuella Kamosi écrit "Pump up the jam" sur une musique de Technotronic. Agée de 17 ans, elle prend peur face à la promo européenne qui l’attend et se fait remplacer par Felly pour le clip. L’affaire se corse lorsque le titre se classe dans les 5 premiers du Billboard Américain. Avec son accent français, le mannequin ne fait pas le poids lors des interviews, c’est ainsi que Manuella (Ya Kid K) revient sur le devant de la scène avec "Get up (before the night is over)".

A l’instar des titres pop des années précédentes, la House music n’a que faire des chanteurs ou des rappeurs, surtout quand il s’agit de producteurs peu scrupuleux. On pourrait même dire qu’elle peut se passer d’eux. Quelques exemples bien pourris ? Vous prenez quelques samples vocaux d’un "Love Sensation" de Loleatta Holloway et vous obtiendrez "Ride on time" de Black Box.. Et quand les interprètes originaux veulent que leur titre se vendent, il n’hésitent pas à se faire remplacer par deux blacks biens foutus aux dreadlocks à ramasser la poussière pour leur "Girl you know it’s true". Notez au passage que le rythme est directement pompé sur le Pain in full d’Eric B et Rakim.
Même si tout ceci s’écarte bien de l’esprit originel qui a émergé quelques mois plus tôt, contrairement au disco, les stars n’existent pas, seule la musique reste gravée dans les mémoires.
Viridis
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Re: Acid-house + Techno vs Eurodance ou la confusion des gen

Message par Viridis »

La mutation de la dance music enterre le classique «Pot pourri». Pendant deux ans, des «Megamix» font fleurir un peu partout. Alors que les groupes étiquetés «House music» samplaient bruitages et musique, ce sont les catalogues des groupes des années 60/70 qui font la joie des maisons de disques.
Prenez trois ou quatre titres au pif, mixez les en suivant scrupuleusement le schéma type - le premier et le second pour les premiers «couplet/refrain», le troisième pour l’interlude musical et le quatrième pour la reprise d’une partie du couplet et le refrain final et l’affaire est emballée. Les avatars de dance-music grand public utiliseront le même filon pour clore un premier album quand il ne s'agissait pas du dernier. Ce cas de figure fera même l’objet d’un sketch qui sera propulsé n°1 du Top 50. "Chiche on en fait un" comme gaffe on ne pouvait pas faire mieux. De plus, l’original n’est rien d’autre qu’ un titre house de Chicago qui s’était classé 5e quelques mois auparavant se détachant des covers les plus ciblées.
Dans le même esprit, quelques singles bien inspirés détournent les match de foot (Il suffit d’un ou deux excités des Footbrothers), les films cultes (C’est cela oui de Splendid Music) ou les émissions de télé (On se calme des Bassline boys). Parfois on retrouve des titres plus inspirés voir carrément déjantés comme ce sympathique Bring me Edelweiss (Edelweiss).

Résultat, le raz de marée des récupérations aura raison, en terme de ventes, du bouleversement musical de l’époque. Parmi les perles de l’époque, on retrouve plusieurs tendances mêlant les one-shot aux carrières confirmées ou en devenir :
- Les Divas, de Ten city (That’s the way love is), à Raze (Break for love), d’Adeva (Respect) à Adamsky (dont le Killer lança la carrière de Seal) en passant par Deee-lite (Groove is in the heart), certaines performances vocales marqueront les esprits.
- L’acid-house qui ne cesse d’évoluer devient de plus en plus électronique avec Josh Guru (Infinity ), KLF (What time is love? ), 808 state (Pacific state ) ou X-pansion (Move your body/Elevation).
- La naissance de l’Eurodance qui met au placard la pop dance guimauve avec Snap (The power ), Rozlyne Clarke (Eddy steady go ), Mc sar (It’s on you ), Secchi (I say yeah ), Betty Boo (Doin’ the do ), 2 brothers on the 4th floor (Can’t help my self ) ou Cartouche (Feel the groove).
- L’explosion du remix, qui en plus de multiplier les versions des tendances précédentes, laissera une place de choix aux stars de la pop : Petula Clark avec Peter Slaghuis (Down town), Madonna avec Shep pettibone (Express yourself et Vogue ), New kids on the block avec C+C music factory (Step by step ), Pet shop boys avec David Morales (So hard ) ou Depeche mode avec François Kevorkian (Personnal Jesus). Certains remixes non officiels comme ce Tom's diner feront grincer des dents les artistes qui se raviseront une fois les droits reversés ...

Petite anecdote amusante : Dans l’ombre de ces morceaux divers, certains feront leur dents avant d’exploser deux décennies plus tard. Si vous prenez le titre le plus téléchargé en 2009 (Meet the halfway des black eyes peas), l’un des producteurs (inutile de préciser qui c'est...) a fait ses classes chez Sydney (Nation rap) tandis que l’autre, alors issu d’une radio locale, produisait sa compagne de l'époque. Y a pas de fumée sans feu.
Dernière modification par Viridis le dim. févr. 20, 2011 4:04 pm, modifié 3 fois.
Adyton
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Re: Acid-house + Techno vs Eurodance ou la confusion des gen

Message par Adyton »

OFF-Topic :
J'adore parcourir ces topics où tous les noms me sont parfaitement étrangers, j'ai l'impression de voir un film coréen avec des sous-titres en farsi :blink:
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