edogawa a écrit : Bon je vais m'arrêter là en mentionnant bien qu'il ne faut surtout pas oublier Mingus (déjà cité), je crois que c'est peut-être mon petit préféré. "Tijuana Moods" est effectivement génial.
Sinon pour le jazz chanté, tu as cité mes trois chanteuses préférées, Dieu. Billie Holiday, Nina Simone et Jeanne Lee : c'est mon trio gagnant
M'aurait-on clonée?
J'avoue que les voix des artistes que j'ai cité sont celles qui me touchent le plus. Elles représentent pour moi, chacune d'une manière qui lui est propre, des interprètes complètes, en tant qu'elles sortent d'un cadre vocal purement technique avec un talent fou et que leurs oeuvres sont les témoins d'une liberté artistique rare.
Pour le dire plus clairement (car je crois que je l'ai formulé de manière assez confuse), il s'agit de jouer le texte en se l'appropriant, en le réinventant sans pour autant le dénaturer. On trouve toute une théatralité qui peut même parfois prendre le pas sur un "chanté joli et harmonieux". Parce que le but n'est pas toujours de trouver une chanson jolie et divertissante, mais de faire en sorte de renvoyer des sentiments aussi complexes et variés que l'insouciance, la joie, la douceur, la tension, la douleur, le déchirement, la violence,... Ca peut vous paraitre un peu bateau présenté comme ça. Mais la première fois que j'ai entendu Nina Simone (je devais avoir 10 ou 11 ans), on passait Four Women. Sans comprendre le texte, j'ai été complètement entrainée et enrobée par le rythme répétitif puis lancinant de la voix et du piano de Nina Simone (qui joue merveilleusement bien), par cette tension qui montait de plus en plus, par ces moments où le rythme se fait plus rapide et plus léger (comme pour nous laisser un moment de répis, pour enfin nous laisser recommencer à respirer) pour se faire de nouveau grave. Jusqu'au moment du dernier couplet où j'ai été traversée par un frisson en entendant cette voix qui se faisait soudainement colérique et déchirée de douleur (voire de haine). Quelques années plus tard, lorsque j'ai enfin compris ce texte, j'ai eu cette impression d'en avoir eu une pré-connaissance à ce moment là.
Bon après, je ne vais pas dire que toutes les chansons de ces trois artistes sont des chansons à texte. Simplement, lorsque ça n'est pas le cas, leur interprétation transcende complètement les mots (Billie Holliday aurait certainement excellé même en chantant l'annuaire).
Quand je parlais de liberté artistique, pour ce qui est de Billie Holiday, c'est le choix qu'elle a fait de chanter Strange Fruit (dont le texte est la description, telle une peinture, d'un corps noir lynché qui finira brûlé par le soleil, déchiqueté par les corbeaux, ...). Surtout si on sait qu'elle le fait à la fin des années 30 et qu'elle a tenté de le chanter dans le Sud.
Quant à Nina Simone, je pensais à l'écriture de textes comme Four Women ou Mississipi Goddam, évoquant de la situation et les revendications des afro-américains dans les années 60. Mais je pensais aussi à son éclectisme, ses glissements du classique, au
jazz en passant par la pop et la musique africaine, mais aussi ses emprunts à Brel et à Brassens, entre autres.
Enfin pour ce qui est de Jeanne Lee, ici aussi sa palette très large part du
jazz le plus classique à un autre fait de "trips" (désolée, mais je ne trouve pas d'autre mot) aériens et planant. Mes amis m'ont souvent fait remarquer que certains morceaux de Natural Affinities se rapprochaient du style de Björk. Personnellement, je ne sais pas trop quoi en penser, mais même si c'est certainement dans un style différent, elle a parfois une manière étonnante et très intéressante d'utiliser sa voix. On peut aussi se féliciter de la diversité de ses textes (quand même un texte de Mingus et un autre de Lao Tseu dans le même album, faut le vouloir).
Bref, après ce (trop?) long post je me rends compte que je n'ai pas parlé du timbre si particulier de Billie Holiday, à la fois roque et douce. Vers la fin de sa vie (particulièrement dans Lady in Satin, je trouve), on sent qu'elle fait d'énormes efforts pour pour pouvoir continer de contrôler sa voix. Cela donne à ses derniers albums une teinte particulière qui est magnifique.
Puisque tu parles de Madeleine Perroux, Edogawa, je l'ai entendue pour la première fois en me disant que c'étaitdu Billie Holiday, le même phrasé, des types de voix très proches (à s'y méprendre je suis d'accord), mais que ça n'était pas complètement complètement elle... Une impression d'une chose qui manque (même au-delà du fait que les deux voix sont presque identiques; ce que je veux dire c'est qu'au niveau de l'interprétation y'a comme un truc qui ne serait pas là). Tu en penses quoi?
Bref, désolée pour le long post, mais c'est la faute de Romi qui a ouvert ce topic... c'était trop tentant.